Data : le projet européen Gaia X commence à émerger
L'association industrielle européenne Gaia-X commence à faire émerger ses standards d'échanges automatisés de données, destinés à conforter la souveraineté européenne dans un monde numérique dominé par les Gafam et les géants chinois. L'association qui compte 350 membres (entreprises européennes, fournisseurs de services cloud, institutions) présente jusqu'à vendredi à Paris ses premières réalisations, dont la préfiguration d'un catalogue de services cloud respectant ses exigences (transparence, sécurité, portabilité des données, interopérabilité des services entre eux...). Pour l'instant, un premier catalogue de services cloud estampillés "Gaia-X" présente 176 offres, qui font la part belle aux fournisseurs européens.
Mais l'Américain Amazon Web Services, le poids lourd mondial du secteur, fait partie du catalogue, en s'engageant à respecter le cahier des charges européen pour une dizaine de ses services, selon le directeur général de Gaia-X Francesco Bonfiglio. Gaia-X a aussi présenté 8 projets "d'espaces de données", qui doivent permettre aux acteurs d'un secteur économique donné (transport, tourisme, industrie, agriculture....) de partager ou d'acquérir des données en toute sécurité, grâce aux spécifications définies par l'association européenne. Le plus avancé est le projet allemand Catena-X, porté par les industriels de l'automobile, qui devrait voir ses premiers flux de données opérationnels en 2023.
Ces échanges de données doivent permettre aux industriels participants de progresser dans le domaine de la décarbonation, ou de l'économie circulaire, en favorisant le recyclage, selon les promoteurs du projet. Eona-X, une association regroupant Amadeus (voyages), Air France/KLM, Aéroports de Paris, Aéroports de Marseille et la SNCF a de son côté présenté un exemple d'échange automatisé de données autour du périple d'une voyageuse des Pays-Bas vers la Côte d'Azur. Grâce aux spécifications de Gaia-X, les entreprises gardent à tout moment le contrôle des données partagées, explique Jean-François Cases, directeur général délégué d'Amadeus.
"On ne partage ses données que quand on veut, et aux conditions que l'on veut, par exemple uniquement avec des entreprises de droit français, respectant le RGPD (Règlement européen sur la protection des données ndlr), et la norme la plus sécurisée de cloud SecNumCloud", a-t-il expliqué. La standardisation Gaia-X permet "à la plus petite entreprise de transport de se brancher" sur le système pour proposer ses données, "sans avoir à signer de contrats juridiquement complexes, et sans avoir à faire un gros travail technique", a-t-il dit. "Nous voulons redonner du pouvoir à chacune des parties prenantes" de l'économie numérique, "y compris ceux qui produisent les données, y compris les individus", renchérit Laurent Lafaye, qui co-dirige Dawex, une entreprise française qui fournit des plateformes d'échanges de données.
Gaia-X doit maintenant attirer au-delà de son cercle d'adhérents, et convaincre un grand nombre d'industriels européens. "Le prochain challenge, c'est que le marché adopte" les procédures et standards fournis par Gaia-X, a indiqué Frédéric Ethève, vice-président du Français OVHCloud, et membre du conseil d'administration de Gaia-X. L'ambition est d'arriver pour le stockage et l'échange de données à un "standard de facto, analogue à la norme GSM" de téléphonie mobile, explique de son côté Martine Gouriet, directrice des usages numériques d'EDF.
Gaia X a été portée sur les fonds baptismaux en juin 2020 par les ministres de l'Economie allemand Peter Altmaier et français Bruno Le Maire. Compris en France comme un projet de mise en avant des opérateurs de cloud européens, Gaia-X a vite déçu les attentes de ce côté-là, en accueillant dans ces travaux tous les opérateurs de cloud, y compris les opérateurs américains et chinois. Le Français Scaleway notamment a spectaculairement claqué la porte en novembre 2021, estimant qu'il faisait la part trop belle aux géants d'outre Atlantique. Tous les opérateurs de service cloud, quelle que soit leur nationalité, peuvent obtenir un label Gaia-X s'ils en respectent les exigences. Seul le niveau 3 de ce label, le plus exigeant, est réservé aux fournisseurs européens, pour des raisons d'immunité face aux lois extra-territoriales étrangères.