Christine Turk (Melty) : « communiquer en misant sur l'humain et la solidarité »
Alors que les Français entament leur septième semaine de confinement, les audiences des médias en ligne explosent. Pourtant, les annonceurs sont nombreux à avoir mis leurs campagnes en pause. Comment rebondir ? On en parle ce matin avec Christine Turk, Chief Operating Officer chez Melty.
Les audiences des médias en ligne battent des records. Et chez vous ?
Depuis le début du confinement, nous réalisons des audiences records (X2 ou X3) sur toutes les plateformes web, mobile, Snapchat, Facebook, Tiktok... Nous réalisons actuellement près d’1 millions de VU/jour sur le web, 1,5 m VU/jour sur Snapchat et 1,5M vidéo vues/jour sur FB et Instagram. Ces audiences records, nous les enregistrons aussi bien sur nos programmes habituels de divertissement que sur les nouveaux programmes type « Bloqués », lancés suite au confinement. Le temps moyen par internaute passé sur nos contenus a lui augmenté très fortement, sur l’ensemble des plateformes. Les gens ont mécaniquement plus de temps !
Sur les réseaux sociaux, l’engagement de vos communautés a-t-il augmenté ?
Oui comme sur le reste, notre audience a été réceptive à nos contenus comme sur l’ensemble de nos plateformes. Nous faisons entre 250 000 et 1 million de vues par vidéo en organique et plus de 500K interactions par semaine sur Facebook.
Dans quelle mesure les programmes de Melty ont-ils évolué pour s’adapter ?
Dans le souci de faire face ensemble et de répondre à ce contexte et à cette période difficile, melty a souhaité PLUS QUE JAMAIS accompagner sa communauté, ses clients et son audience, avec pour objectif de continuer à créer, à les divertir, bien sûr, mais aussi de les informer, de partager, ensemble, et de leur donner, la parole… Ce moment, aussi pénible soit-il, doit être vu pour un média comme melty, digital par définition, comme un moyen d’exprimer encore mieux son ADN profond, en apportant des solutions - éditoriales, business et créatives - agiles sur tous ses domaines d’expression, sites et réseaux sociaux.
C’est pourquoi nous avons lancé le programme « Bloqués », qui est un ensemble de pastilles thématiques où des artistes/influenceurs/personnalités nous font partager leurs confinements au travers de recettes de cuisine, de tutos danse, d’interviews classiques, de news, de live, etc… Le programme reçoit un bon accueil et nous en sommes très heureux. Par exemple : Alexia Duchêne de Top Chef montre une petite recette de pâtes avec des légumes dans « Bloqués dans ta cuisine », Marwa Lourd partage ses recos ciné/séries/musique dans « Bloqués Les Recos », on donne la parole à notre communauté dans « Bloqués en Quarantaine », Tsew The Kid s'invite chez vous en concert live dans « Bloqués Live », Sébastien Erson, Youtubeur bloqué au Maroc suite à la fermeture des frontières du pays, témoigne dans « Bloqués News »... pleins d'autres à venir !
Les jeunes sont-ils selon vous plus captifs pendant le confinement ?
Tout d’abord, sur la notion de « jeunes », chez Melty, nous ne définissons pas forcément les audiences que par leur classe d’âge. Que ce soit chez les générations X, Y, ou Z, on sent qu’il y a une tendance de fond à rester « jeune » bien plus longtemps, avec une similitude des centres d’intérêt qui transcende bien plus les âges qu’avant. C’est notamment visible à travers l’appétence très forte pour des contenus autour de l’Entertainment et de l’Infotainment qui n’a jamais été aussi élevée... Mais aussi une conscience nouvelle, liée au caractère et à l’évolution de notre monde, qui poussent la jeunesse à adopter de nouveaux points de vue plus engagés, sur les causes qui définissent la société d’aujourd’hui.
Durant ce confinement, les jeunes sont effectivement davantage captifs et directement touchés dans leur habitudes, puisqu’ils sortent en général beaucoup de chez eux. Ils sont donc encore plus à la recherche de divertissements positifs, dans cette période anxiogène. Et c’est précisément la volonté de répondre à cette attente, qui nous anime tous le jours, pour continuer notre mission de média de divertissement/infotainment. D’ailleurs l'étude Global Web Index montre que 51% des Z et 44% des Millennials déclarent consulter encore plus de vidéos en ligne qu'avant le confinement (aux US). 36% des Millennials passent aussi plus de temps qu'avant sur la presse en ligne. Ces chiffres montrent bien que les jeunes sont effectivement en demande de contenus.
Quelles vont vos relations annonceurs en ce moment ? Que vous disent-ils ?
Les annonceurs sont actuellement en train de se réorganiser et pour la plupart de repenser la façon dont ils communiquent. Les réalités sont diverses selon les secteurs, et certains tirent même leur épingle du jeu, notamment dans le gaming, ou la distribution online. Néanmoins, beaucoup ont mis leurs campagnes en pause dès l’annonce du confinement, avec la volonté de les reprendre lorsque l’horizon s’éclaircira, probablement avec le déconfinement. De notre côté, nous avons continué à rester très actifs auprès des annonceurs, notamment parce que nous sommes convaincus qu’il y aura une prime pour les marques qui garderont le lien avec leurs clients, et partenaires, plutôt que de stopper toute relation avec eux durant cette période. La communication est indispensable en ce moment. Elle est indispensable entre humains et c'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles le confinement est si pénible à vivre : ça nous enferme sur nous-même et ça nous coupe d'une partie de notre communication habituelle.
On a encore plus besoin d'être rassuré sur le fait que nos habitudes sont toujours là et toujours accessibles. Alors, pourquoi les marques s'arrêteraient-elles de communiquer et se tairaient dans cette période ? Elles ont, à l'inverse, bien des choses à dire. Quel est leur engagement vis-à-vis de leurs clients pendant le confinement ? Certaines marques, des restaurants, des commerçants, par exemple, ont été contraintes de fermer contre leur volonté. Même si un service n'est plus disponible temporairement, il est possible de garder un lien avec ses clients, notamment via les réseaux sociaux. Il faut continuer à communiquer.
Comment inciter les annonceurs à communiquer pendant cette crise ?
Nous avons mis en place des dispositifs spéciaux avec notre équipe Brand content. Ceux-ci s’articulent pour la plupart autour de notre concept dédié au contexte actuel, comme évoqué plus haut, « Bloqués ». Nous leur proposons de s’associer à ces programmes de proximité avec les internautes, de rentrer directement dans les foyers de leurs clients bloqués chez eux, essentiellement avec une approche de type « sponsoring ». Et avec une approche plutôt positive, qui ne soit pas anxiogène ou pessimiste.
Les équipes de melty font en sorte de beaucoup communiquer avec leurs clients et partenaires pour trouver ensemble le bon message et le bon ton en cette période compliquée qui ne laisse pas de place à la maladresse ou à l'opportunisme. On incite les annonceurs à communiquer pendant la crise en misant avant tout sur l'humain et la solidarité, sur le fond comme sur la forme.
Comment les marques vont-elles devoir s’adapter selon vous ?
Les marques doivent continuer à s’appuyer sur ce qu’elles construisent au quotidien, et donc garder le lien, tout d’abord. Concernant le contenu des messages publicitaires, elles doivent les adapter et probablement les centrer moins sur les produits et davantage sur les valeurs de la marque, mais en étant là. Tout d’abord parce que, quand on achète une marque aujourd'hui, on n'achète pas qu'un produit. Et c'est particulièrement vrai pour les Millennials. Il y a des initiatives intéressantes dans la communication actuellement. Je pense par exemple à la récente campagne de Nike, qui invite chacun à jouer chez soi, ou encore à celle d'Ikea, qui met à l'honneur la maison comme un lieu de refuge en cette période pesante. C'est une bonne manière de montrer que, même dans les moments durs, les marques sont là. Les Millennials ont déjà beaucoup changé la donne par rapport aux marques. Celles qui s'en sortent le mieux auprès de cette cible, ce sont les marques les plus sincères et les plus authentiques.
Avec melty, on accompagne beaucoup d'annonceurs pour aller parler aux Millennials, et on note qu'ils sont très critiques sur les messages pleins d'artifices. Pour bien communiquer aujourd'hui, il suffit de raconter ce qui se passe, la réalité. Si une boutique est fermée, c'est un fait. Il faut en parler et en expliquer les conséquences ou les alternatives proposées par la marque. il ne faut surtout pas donner l'impression qu'on est dans une posture. Si on est authentique et juste, le message sera entendu et ne sera pris ni pour une leçon de morale ni pour de l'opportunisme. Et particulièrement aujourd'hui, il s'agit de s'inscrire dans une démarche de solidarité, parce que c'est ce que les consommateurs attendent actuellement. Les marques doivent en tout cas agir et communiquer car de nombreuses études montrent que la majorité des Français estiment que le comportement des marques pendant la crise déterminera leurs achats futurs. Pour beaucoup, les marques qui ne communiquent pas actuellement auront disparu d'ici quelques mois.
Partagez-vous l’idée selon laquelle nous serions tous - médias et marques - dans le même bateau ?
Oui, c’est certain. Aujourd’hui 4 milliards de personnes sont confinées et l’humanité toute entière est directement concernée par ce qui se passe. Donc aujourd’hui encore plus hier, les gens ont conscience d’être tous interconnectés. Les marques, les médias et les lecteurs ressentent tous fortement cette réalité. Nous avons vu beaucoup de marques prendre des initiatives que l’on n’aurait pas forcément imaginé, comme les acteurs de luxe qui se mettent à fabriquer des masques, ou des constructeurs automobiles qui modifient leurs chaînes de production pour produire des respirateurs. Ces exemples sont très parlants pour tout un chacun et illustrent parfaitement cette interdépendance très forte.
Aujourd'hui que l'on soit média ou marque, le plus important à l'heure actuelle est d'être proche de nos clients, de notre audience, quel que soit le produit vendu et de faire en sorte de les aider à surmonter la crise aussi sereinement et paisiblement que possible. Pour melty, cela passe notamment par le fait de divertir son audience avec des contenus créatifs et inédits comme le programme « Bloqués ».
Quelles ressources mobiliser pour s’en sortir économiquement ?
Nous sommes résilients et très créatifs depuis le début du confinement. La créativité, l’inventivité et la flexibilité sont très certainement les trois ressources les plus importantes pour s’en sortir économiquement. On entend souvent que les crises agissent comme des accélérateurs à bien des égards, parce qu’elles forcent à se réinventer, à trouver des ressources nouvelles, que ce soit au niveau des individus ou des entreprises. Et je pense que cela se vérifie pleinement dans la crise exceptionnelle que nous traversons. Les dispositifs spéciaux que nous avons mis en place en un temps record en sont une bonne illustration.
Aussi melty est depuis sa création en mutation constante pour accompagner l'évolution des jeunes. Cette crise montre la puissance de notre audience et notre agilité qui fait de nous un acteur de choix pour communiquer auprès d’une audience qui délaisse les medias traditionnels (tv, radio, presse).
Comment envisagez-vous l’après ?
Nous pensons que nous aurons beaucoup progressé et appris de cette crise. De nouvelles habitudes resteront, certainement. Nous serons aussi attentifs et reconnaissants envers tous les acteurs qui ont été présents à nos côtés lors de cette période, durant laquelle nous nous sommes, comme beaucoup, centrés sur l’essentiel, en restant donc fidèles à nos valeurs. Je pense que les équipes sortiront également plus soudées, parce que nous vivons ce moment unique ensemble. Cette façon particulière de travailler, paradoxalement, crée aussi un lien assez spécial, et je suis certaine que nous nous souviendrons très précisément de ces moments et des personnes auprès de qui nous les avons vécus, bien plus que beaucoup d’autres, sur le plan personnel bien sûr, mais également sur le plan professionnel.