Thomas Husson (Forrester Research) : « Les marques vont devoir rester prudentes et agiles »
Pour sa 6ème édition, le Retail Morning co-organisé par CB News et IPG Mediabrands se déroulera le mardi 12 septembre (Comet Bourse - 35 Rue Saint-Marc – Paris 2ème) sur le thème « la part du lion, entre attention et inflation », en partenariat avec 150€, la régie 366, Klepierre, La Poste Solutions Business, Teads et le Club des annonceurs.
Aujourd’hui, interview de Thomas Husson, VP Principal Analyst chez Forrester Research, qui interviendra lors de cet événement.
CB News : Nous vous retrouverons mardi prochain pour l’ouverture du Retail Morning interrogeant la façon dont les enseignes peuvent se tailler « La part du lion, entre attention et inflation ». Quelle est votre lecture du contexte actuel ?
Thomas Husson : Nous vivons une période paradoxale. Alors que l’économie française croît très faiblement, les grandes entreprises, notamment celles du Cac 40, affichent fin 2022 et au premier semestre 2023 des bénéfices non négligeables tirés par l’inflation. Ce, alors que depuis deux ou trois ans, on n’a de cesse de crier attention à la récession. Cela ressemble à ”l’enfant qui criait au loup” - une vieille fable d’Ésope.
Cependant ces résultats sont en trompe-l'œil, la profitabilité dont nous parlons ne concerne que quelques-uns : Stellantis, Total Energies, LVMH ou quelques acteurs des services financiers. La réalité est que les volumes de vente sont à la baisse en particulier sur l’alimentaire, et que la polarisation des comportements d’achat, elle, persiste. Les marques doivent être plus prudentes et agiles que jamais. 43% des français préfèrent aujourd’hui un prix bas à une marque (source : Forrester Benchmark Survey 2023). Action qui est devenue cette année l'enseigne préférée des Français, devant Décathlon et Leroy Merlin, dit beaucoup de l’évolution des mentalités (source : Ernst et Young-Parthenon Baromètre 2023).
CB News : Pour les marques, qu’est-ce que cela veut dire ?
Thomas Husson : Cela souligne la nécessité de justifier le caractère premium de la marque, en investissant notamment dans le marketing, la communication et l'innovation. Andros, par exemple, l’a très bien bien compris. Les surprimes à la marque doivent être justifiées. Les arguments, visibles et audibles. Quant à la bataille de l’attention, elle n’est fondamentalement pas nouvelle. Ce qui l’est, c’est la bascule vers des usages digitaux contrôlés par des plateformes dépendantes d'algorithmes. Donc une dépendance de la marque à ceux qui maîtrisent ces algorithmes. Dans un contexte de méfiance voire de défiance face à la communication, l’enjeu consiste à inventer des expériences nouvelles, préparer des interfaces conversationnelles, mieux anticiper l’émotion sur les parcours clients pour leur permettre de trouver dans le contexte approprié le propos adéquat. Il faut réduire la charge mentale du consommateur, en se préparant à déconstruire les sites web et appli mobiles existants pour mieux contextualiser ces fragments d’expériences et répondre aux consommateurs à travers des interfaces reposant sur l’IA générative.
CB News : Qu’en est-il du poids de l’argument environnemental dans ce contexte ?
Thomas Husson : Concrètement, seule une minorité de consommateurs peut aujourd’hui se permettre la surprime induite par une vraie exigence environnementale. Mais la frustration et la dissonance cognitive des consommateurs qui ne peuvent pas se l’offrir vont contraindre les marques et les industriels à repenser la façon de délivrer plus de valeur environnementale pour le même prix. L’avantage concurrentiel ira à ceux qui travaillent avec leurs fournisseurs pour des produits plus vertueux, vendus au prix le plus juste, lui-même porté par une com’ plus transparent et plus tangible. Rappelons là aussi que 54% des Français pensent que les marques les trompent sur leurs initiatives vertes (source Forrester, Consumer European Survey Juillet 2023).
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