Mathieu Collet, (Euros / Agency) : "Notre responsabilité de patrons c’est de préserver la chaîne humaine et de valeur"
Confinement toujours, confinement encore. Et CB News poursuit sa série d'interviews de responsables du secteur de la communication. Ce matin Mathieu Collet, fondateur et CEO d'Euros / Agency, agence de conseil en influence et stratégies de communication indépendante basée à Paris et Bruxelles.
1) Comment allez-vous ?
Nous allons bien. Nos 60 collaborateurs sont confinés, en bonne santé, et en lien permanent entre eux. Dans la période que nous vivons il serait plutôt indécent de se plaindre ; toute la société fait face aux difficultés et certains de nos concitoyens sont frappés par la maladie ou sont au front avec un courage admirable. Certaines entreprises vivent des moments très difficiles. Nous, nous sommes à la maison, occupés à servir au mieux nos clients, à être présents. Le business tourne. Nous faisons notre métier, ce que nous aimons faire.
Donc nous allons bien et nous assurons que nos collaborateurs vivent la période le mieux possible. Chacun de nos départements a mis en place un « CoronaCheck » quotidien pour que tout le monde se parle une fois par jour au moins et nous faisons nos réunions internes déguisés. Ça met pas mal l’ambiance !
2) Qu’avez-vous mis en place avec vos clients pour continuer vos missions
Nous n’avons pas eu à déployer d’efforts particuliers pour poursuivre le travail à distance car nous sommes déjà très bien équipés et avons l’habitude de nous adapter aux méthodes et canaux de communication de nos clients. Notre agence étant répartie entre 4 villes éloignées les unes des autres, Paris, Bruxelles, Marseille et Casablanca, nous sommes rôdés et agiles en la matière. Nous suivons nos clients là où ils sont à l’aise : Google Meet, Zoom, Skype, Slack, Telegram, WhatsApp, Viber, Teams, tout nous convient. Nous avons également 12 pigeons voyageurs à l’entraînement au cas où !
Plus sérieusement, nos pôles affaires publiques et affaires européennes ont mis en place des cellules de suivi de la crise du Coronavirus et suivent, en lien avec le gouvernement et les institutions à Bruxelles, les mesures dès leur élaboration. Nous permettons ainsi à nos clients d’avoir de l’avance dans leurs prises de décision et ils sont extrêmement demandeurs. Nos pôles communication (corporate, crise et Brand) ont également déployé des services spécifiques, notamment un benchmark international quotidien des meilleures exemples de bonne communication en temps de crise globale. Cela nous sert énormément pour calibrer nos actions de com interne, de RP ou d’influence.
3) Commencez-vous à mesurer l’impact financier de cette crise ?
Pour l’heure, nous sommes bien incapables d’en mesurer l’impact immédiat. Il est clair que les entreprises vont adapter leurs budgets et les orienter différemment. Mais tout cela aura une issue, sauf qu’on ne sait pas de quelle nature sera le rebond ; prendra-t-il des semaines, des mois, des années? Un gel de l’économie mondiale, cela n’est jamais arrivé.
Quoi qu’il en soit, les priorités des entreprises et des dirigeants vont changer. Nous devons comprendre ces changements, les anticiper ou mieux encore, contribuer à les faire advenir. Il y aura du conjoncturel mais aussi des changements plus profonds, structurels. Les budgets d’avant la crise n’auront pas les mêmes contours qu’avant. Ils seront probablement plus faibles au global, mais nous sommes, il me semble, au coeur des besoins de demain.
Je pense ainsi que notre coeur de métier, qui repose sur l’articulation entre les affaires publiques et la communication, deviendra pour beaucoup prioritaire. Quand la société évolue de manière aussi brutale et profonde, il y a un besoin énorme de dialogue entre les pouvoirs publics et les acteurs économiques, et entre les acteurs économiques et leurs parties prenantes, employés, consommateurs, confrères, médias, ONG. Or c'est notre mission quotidienne.
4) Comment pouvez-vous être utile, votre agence et votre activité en particulier, à la société ?
Notre activité peut avoir un rôle essentiel. Dans des périodes anxiogènes comme celles-ci, c’est tout d’abord de rassurer. C‘est aussi ça le rôle de la communication : dire ce qui est, mais aussi faire passer des messages pour induire des comportements. Accompagner des dirigeants, c’est avoir conscience de ce qu’est un bon leadership. Et dans la tempête, le bon leader c’est celui qui tient la barre, entraîne les autres avec lui, dis la vérité mais inspire de la confiance en donnant à voir où il va. Ces principes nous guident dans nos recommandations et notre rôle est à mon sens de contribuer, autant que possible, à maintenir la confiance entre les organisations et les hommes. Et s’il peut être parfois un peu tarte à la crème dans le monde des agences, le sujet de la raison d’être va prendre tout son sens ; à nous de travailler avec nos clients actuels et futurs pour en tirer un vrai levier de changement.
Ensuite, avec mon associé Martin Wittenberg, nous avons tendance dans cette période à raisonner davantage en chefs d’entreprise qu’en simples patrons d’agence. Notre responsabilité de patrons c’est de préserver la chaîne humaine et de valeur qu’il y a autour de nous dans la société. Nous avons donc tenu à être irréprochables avec nos fournisseurs, en les payant tous dans les temps et sans rogner dans nos budgets. Nous devons faire tourner l’économie malgré tout et être responsables.
Enfin, grâce à nos réseaux en Asie, nous avons pu identifier, dès le début du confinement, des fournisseurs de matériel médical : masques, combinaisons, lunettes de protection, tests Covid 19, respirateurs, etc. Nous avons pu ainsi réserver une capacité de livraison de 3 millions de masques FFP2 via un de nos relais à Taïwan. Nous avons immédiatement fait remonter cela au cabinet du ministre de la Santé. C’est désormais dans les mains de Bercy, dont la task force Covid est en lien avec ces fournisseurs.