Manuel Diaz (Emakina) : " Dans ce contexte de crise, le digital est bien souvent le dernier levier capable de produire du revenu"
Nous confinons, vous confinez, ils confinent. Et CB News continue ses rendez-vous matinaux avec les acteurs de la communication. Aujourd'hui, rencontre avec Manuel Diaz, fondateur et CEO d'Emakina.
1) Comment - vous et votre agence - allez-vous ?
Mes premières pensées vont naturellement aux personnes touchées par le Covid-19, et comme beaucoup, j’aimerais saluer le travail accompli par les personnels soignants. Nous vivons une situation dramatique dans laquelle humilité et solidarité doivent être les maître-mots.
À date, nous ne relevons aucun cas de collaborateurs touchés par le Coronavirus dans l’ensemble du groupe Emakina. Nous avons la chance d’exercer des métiers de conseil business et de service technologique pour lesquels tout peut être fait à distance, y compris les sessions de travail avec nos clients. De plus, nos bureaux étant répartis entre l’Asie, le Moyen-Orient, l’Europe et les US, le travail à distance fait partie depuis toujours de notre culture d’entreprise. Le passage au télétravail s’est donc fait naturellement puisque notre organisation y est habituée : les équipes sont formées à cela et tous les outils sont en place pour le permettre. C’est cette même organisation qui nous avait déjà permis de traverser les crises des gilets jaunes et des manifestations contre la réforme des retraites sans aucun impact sur nos équipes et les projets de nos clients.
Aujourd’hui, je me félicite de savoir nos + 1 000 collaborateurs en sécurité et proches des leurs, avec la capacité de délivrer des projets sur un même niveau d’exigence, et sans aucune discontinuité opérationnelle.
Bien sûr, ce serait mentir de vous dire que le confinement ne change rien et que nous y étions préparés. Personne ne l’était ! Mais nous avons le cadre, l’accompagnement humain et les outils pour ne pas le subir. En réalité, le principal challenge vient plutôt de l’entreprise à distance et comment entretenir l’esprit d’équipe tout en respectant la distanciation sociale imposée.
Chez Emakina, nous avons mis en place dès la mi-mars un certain nombre d’initiatives en faveur de l’entreprise à distance : une cellule d’écoute et d’accompagnement pour anticiper les baisses de moral chez les collaborateurs qui vivent seuls, une communication hebdomadaire “All Hands” avec l’ensemble des équipes pour partager le maximum d’information sur la situation et répondre en direct et sans filtre à toutes les questions, un renforcement du modèle de mentoring pour être plus présents aux côtés des plus jeunes. Nous avons même lancé notre propre web radio pour faire vivre l’esprit Emakina au-delà des frontières ! De Dubi à Zagreb, de Bruxelles à Singapour, d’Amsterdam à Izmir et partout ailleurs, nous voulons connecter ensemble toutes les équipes du groupe.
2) Comment les demandes de vos clients et partenaires ont-elles évolué ?
Nous observons des comportements très différents d’un pays à l’autre. En Asie par exemple, le ralentissement a été brutal mais les clients ont utilisé le temps de confinement pour préparer l’après. Aujourd’hui que la situation s’est améliorée, on voit des clients “repartir lancés” sans devoir subir un rebond poussif et lent. En Europe du Nord, il y a beaucoup de pragmatisme et la recherche immédiate de solutions pour ne pas rester inactif et subir la crise. Beaucoup voient donc le digital comme un moyen de contenir les pertes et parfois même de maintenir le business. Des sites e-commerce se déploient en moins de 20 jours et des services de click & collect ou de Drive se mettent en place en une semaine. En Europe du Sud, l’approche est différente, plus prudente et conservatrice. Les premières semaines du confinement, les discussions étaient davantage tournées vers les procédures administratives que les opportunités business. Avec l’annonce de la fin du confinement au 11 mai en France, un léger renouveau se fait sentir, mais je ne suis pas sûr que cela suffise pour être efficace et opérationnel post-crise.
En ce qui concerne Emakina, nous nous sommes toujours positionnés comme le partenaire business de nos clients. Cette proposition de valeur est d’autant plus vraie en ces temps difficiles. Nos clients sont touchés comme le reste des entreprises mais ils sont conscients que la transformation digitale qu’ils ont initiée leur permet de faire le dos rond pour certains, de maintenir de l’activité économique pour d’autres. Dans ce contexte de crise, le digital est bien souvent le dernier levier capable de produire du revenu. Aussi, les projets ne s’arrêtent pas au contraire. Ils sont à minima maintenus, parfois accélérés et nous avons même de nouvelles sollicitations de la part d’entreprises qui veulent se mettre à niveau pour ne plus jamais revivre une telle situation.
3) Avez vous - au moins - une bonne nouvelle à nous transmettre ?
Difficile de parler de bonnes nouvelles dans un tel contexte mais nous notons cependant plusieurs motifs de satisfaction au sein d’Emakina. D’abord concernant la solidarité des équipes et la bonne cohésion de groupe en France et à l’international. Pour se partager les bonnes pratiques, les différents bureaux à travers le monde communiquent énormément et nous voyons apparaître beaucoup d’initiatives très intéressantes. Il est d’usage de dire que c’est dans les moments les plus difficiles que naissent les grandes équipes. Nous y croyons fermement et voyons des comportements d’entraide, de dépassement de fonction, d’accompagnement des plus jeunes et des plus vulnérables qui forcent au respect.
Ensuite, la dimension d’innovation agile est très intéressante à observer. Dans ce contexte de confinement où chacun travaille de chez soi, il a fallu adapter nos méthodes pour conduire des workshops et des sessions d’idéation avec nos clients à distance. Les résultats sont vraiment très prometteurs. Nos clients nous font de très bons retours et perçoivent plus d’interactions et plus de challenge dans les idées. Depuis le début du confinement, nous avons déjà mené plusieurs design sprints de cette façon et voyons une réelle dynamique s’installer malgré la distance entre tous les participants.
Enfin, nous sommes ravis de voir que nos clients renforcent la confiance qu’ils ont en nous, et que de nouvelles marques décident d’en faire autant pour démarrer leur transformation digitale. Dans un contexte où beaucoup d’agences voient certains investissements ralentir ou s’arrêter, c’est pour nous la plus belle des récompenses de voir que nos clients comptent sur nous pour les aider à traverser ces moments difficiles et ainsi préparer l’avenir. La situation actuelle invite au pragmatisme, à l’efficacité et à l’engagement. C’est ce que nous essayons d’apporter chaque jour à nos clients.
4) Comment entrevoyez-vous la suite ?
Cette crise nous rappelle, s’il le fallait encore, que nous vivons dans un environnement incertain. En 2019, les gilets jaunes ont très largement heurté le monde du retail contraint à fermer ses magasins tous les samedis pendant plusieurs mois. Début 2020, les manifestations contre la réforme des retraites sont tombées en pleine période de solde, engendrant une baisse de trafic significative en magasin. Aujourd’hui, c’est la crise sanitaire. Et demain ? Certains retailers, pourtant historiques, comme André ne s’en relèveront pas. Cela crée un électrochoc et les marques l’ont bien compris : être capable d’opérer son business dans un contexte instable n’était déjà pas une option hier et ne le sera pas plus demain.
L’heure du bilan viendra plus tard, mais il est clair que l’adoption forcée de certains services en ligne va créer de nouveaux réflexes. Le télétravail fait la démonstration de ses avantages au sein de beaucoup d’organisations, le e-commerce convertit les derniers réticents et le click & collect démontre qu’en temps de distanciation sociale, il est l’un des derniers leviers de business pérenne de l’entreprise. Sans aucun doute, cette crise sanitaire va drastiquement accélérer le phénomène de transformation digitale des entreprises.
Plus globalement, et au prisme de ce que nous observons chez nos clients à l’international, nous dégageons 3 principaux enjeux pour les entreprise post-crise. D’abord la digitalisation des métiers. Trop de tâches sans valeur ajoutée sont encore réalisées à la main. Lorsque le contexte appelle au pragmatisme, à l’agilité et à la flexibilité, les entreprises ont besoin d’accélérer leur rythme de décision pour rester compétitives. Ensuite le travail à distance. L’engagement des collaborateurs de dépend pas d’un lieu fini dans l’espace. Tout est question d’expérience employé et de comment les organisations permettent à leurs équipes de travailler dans de bonnes conditions quel que soit l’endroit où ils se trouvent. Enfin les canaux de vente digitaux. Chez Emakina, nous sommes convaincus depuis longtemps que les consommateurs passent du on au offline sans distinction de l’un ou de l’autre. C’est aux marques de s’adapter et de leur offrir une expérience au niveau. La crise actuelle est un rappel que le futur sera digital, du côté de l’expérience employé comme de l’expérience client.