La formule gagnante de l'attention publicitaire, avec Olivier Goulet (Iligo)

Iligo est un cabinet d’études marketing qui travaille pour tous types d’acteurs du marché, et notamment pour la plupart des grandes régies publicitaires. Nous avons demandé à son président, Olivier Goulet, comment il appréhende ce sujet de l’attention publicitaire.
Retrouvez l'ensemble de notre enquête "L'attention en quête de standardisation'' dans le numéro d'avril de CB News.
CB News : Comment définissez-vous l’attention publicitaire ?
Olivier Goulet : En tant que membre du bureau de l’IREP, je vais rappeler ici la définition issue du livre blanc publié l’an dernier par le CESP et l’IREP, à savoir : « Dans un environnement donné, l’attention est le fait pour un individu de fixer son esprit sur un ou plusieurs éléments d’un message publicitaire ». On parle donc de fixer son esprit et pas son seul regard. Par ailleurs, il est rappelé dans ce travail collectif des acteurs du marché, que l’attention n’est pas un critère d’efficacité mais une variable relais vers l’efficacité. C’est une nuance très importante.
CB News : Avez-vous un/des indicateur(s) de préférence pour rendre compte de cette attention ?
Olivier Goulet : Le débat sur l’attention n’est pas récent. Iligo a travaillé dès 2015 avec Google et YouTube (et déjà avec de l’eye-tracking) sur la mesure comparée de formats vidéo sur mobile. Nous avons développé depuis des protocoles pour les médias (affichage classique et digital, presse, vidéo, digital), mais aussi pour des lieux de trafic (lieux d’accueil du public ou zones de transports) ou des lieux commerciaux (enseignes de distribution ou centres commerciaux). Cette diversité de cas nous amène à envisager différentes façons d’utiliser les datas. Dans tous les cas, lorsque l’on parle d’attention visuelle, nous travaillons sur 3 dimensions : le taux de regard (nombre de personnes ayant eu au moins un regard) ; le nombre de fixations du regard ; la durée du regard. En paramétrant les seuils selon les problématiques. Si l’on évoque de l’attention qui ne serait pas que visuelle, d’autres indicateurs sont possibles.
CB News : Quelles solutions mettre en œuvre collectivement pour améliorer l’attention publicitaire ?
Olivier Goulet : Le groupe de travail conjoint IREP-CESP en 2024 est une première pierre à l’édifice. Ce groupe va continuer ses travaux en 2025 avec une concertation avec d’autres organismes internationaux. Le but est d’avoir un consensus le plus large possible sur les bonnes pratiques… et d’éviter l’usage d’un certain nombre de boîtes noires.
CB News : Le sujet de l’attention est-il lié à la question des formats publicitaires intrusifs ?
Olivier Goulet : L’émergence de ce sujet depuis une dizaine d’années est surtout liée à la création de certains formats digitaux quasi-frauduleux, qui sous prétexte de répondre aux critères de l’IAB, n’étaient absolument pas vus, mais étaient effectivement facturés aux annonceurs et aux agences. Donc non, ce n’est pas forcément un problème d’intrusivité. D’ailleurs, certaines de nos études montrent que ce sont justement les formats potentiellement jugés les plus intrusifs qui sont aussi souvent les plus vus… Mais pas forcément les plus appréciés.
CB News : Comment rendre les formats pub moins intrusifs ? Par où faut-il commencer ?
Olivier Goulet : Si la question n’est plus sur l’attention mais sur l’intrusivité, il y a selon moi trois moyens de limiter ce sentiment de trop forte intrusion de la publicité. Tout d’abord, la limitation de la volumétrie selon le principe du « moins mais mieux ». Certains acteurs, notamment en radio, vont dans ce sens. Ensuite, l’amélioration de la qualité créative des messages, qui va de pair avec le respect des publics. Enfin, l’amélioration de l’effet contexte et de l’intégration du message avec son environnement.
CB News : Pour un annonceur, la personnalisation est-elle la solution pour capter l’attention ?
Olivier Goulet : La personnalisation est un facteur d’attention mais surtout d’efficacité supplémentaire. Si j’aime les tongs bleues et qu’on ne me propose que des baskets rouges, il y a peu de chances que j’ai envie de les acheter et que cela capte mon attention.
Maintenant, la personnalisation n’est pas le remède à tout. Une marque doit aussi pouvoir affirmer un positionnement fort et identique pour tous. Une même marque peut se rendre globalement désirable, qu’elle propose des tongs, des baskets ou des claquettes. Elle ne peut pas être que « personnalisée », du fait de sa fonction culturelle, économique et sociale.
CB News : Le sujet de l’attention est-il avant tout un sujet de création publicitaire ?
Olivier Goulet : C’est aussi un sujet de création publicitaire, mais pas que. C’est le triptyque d’une bonne création, dans un format pertinent et reçu dans un environnement maîtrisé qui est selon moi la formule gagnante de l’attention (en tant que variable relais) et de l’efficacité au final. Ce sujet de l’environnement devrait, à l’heure des fake news et des médias alternatifs, retenir l’attention du marché… C’est un souhait et aussi un peu une prévision.