Sandrine Plasseraud (We Are Social) "pas d’opportunisme SVP ! Ce n’est ni le lieu, ni le moment ! "
CB News poursuit sa série d'interviews, à chaud, avec le témoignage de dirigeant(e)s d'agences sur la crise sanitaire et économique. Sandrine Plasseraud, présidente de We Are Social France, s'est prêtée à l'exercice. Voici ses réponses.
1) Comment réagissez-vous face à cette crise sanitaire ? Pour vos salariés ? Vos partenaires, les freelances ?
Sandrine Plasseraud : la situation est pour le moins inédite, mais nous n’avons pas d’autres choix que d’anticiper et d’apprendre très vite, au nom de nos collaborateurs. L’intégralité des collaborateurs de We Are Social France est en confinement depuis la semaine dernière, et ce sont désormais la quasi totalité des bureaux We Are Social dans le monde qui sont également en "WFH" (Work From Home), à l'exception de la Chine et de Singapour qui sortent tout juste de leur quarantaine. C’est ainsi que tous les collaborateurs de nos bureaux de New York, Toronto, Madrid, Londres, Milan, Munich, Berlin, Dubaï, Tokyo, Sydney et Paris se retrouvent confinés chez eux en télétravail. Nous apprenons beaucoup de nos homologues internationaux et aujourd’hui, si notre capacité à travailler en télétravail ne fait aucun doute, c'est le maintien du lien social pour nos collaborateurs devient la priorité des dirigeants du groupe. Nous avons, dans chaque bureau, publié une charte sur le télétravail, intitulée pour la France « confinement, télétravail et lien social ». Il s'agit de faire « comme si » on allait au bureau : petit-déjeuner, tenue vestimentaire ; se fixer des horaires ; faire des pauses ; privilégier les appels vidéos pour pallier à l’isolement ; organisation de son espace de travail, etc. Mais encore une fois c’est la question du lien social que nous essayons de solutionner de façon collaborative avec nos salariés. Par exemple nos collègues de We Are Social Italie, déjà en confinement depuis quelque temps, se challengent avec des recettes de cuisine via le compte Instagram @pandemeal qu’ils ont créé. Faut-il imaginer des cours de méditation ou de yoga en live vidéo ? Il est désormais nécessaire de réinventer les codes du lien social et de se soutenir mutuellement via le digital pendant cette période de confinement.
2) Comment réagissent vos clients ? Reports de dispositifs, de campagnes, changement de stratégies de communication ? etc.
Sandrine Plasseraud : encore une fois, c’est une situation exceptionnelle et, là où des agences telles que la nôtre ont quand même “la chance” d’avoir une capacité à se mettre en télétravail du jour au lendemain, notamment grâce aux outils que nous utilisons déjà quotidiennement (Workplace by Facebook, Google, Google Drive, Google Hangout, WhatsApp…), j’ai beaucoup d’empathie pour les autres corps de métiers, dont les annonceurs, qui brutalement aussi, voient toute leur organisation être chamboulée face à une crise sanitaire inédite. Il faudra être patients, les uns avec les autres et c’est pour l’instant avec beaucoup de bienveillance mutuelle que les choses avancent. Mais au-delà de l’organisation, c’est aussi effectivement toutes les stratégies de communication de nos clients qui sont bouleversées. On est tous enfermés à la maison, effrayés, ennuyés, à la recherche de réconfort et d’informations rassurantes, du coup jusqu’à maintenant, autant vous dire que cette semaine, on « s’en foutait » des communications de marques. Sauf quand OCS ou Canal + annoncent la gratuité de leur offre bien évidemment. Ou que Arte met à disposition sa plateforme éducative… Il faut donc revoir toutes les campagnes, juger si elles sont encore pertinentes, les décaler potentiellement à plus tard. Et puis dans nos métiers, ce sont tous les calendriers conversationnels des marques qu’il faut revoir. On analyse le comportement des consommateurs, ce que le COV-19 a changé dans leur vie, dans leurs attentes et on essaye d’ajuster en temps réel les calendriers, en répondant aussi vite que possible à nos clients, anxieux de savoir s’il faut continuer ou pas à communiquer. Encore une fois cette semaine, cela ne faisait absolument pas sens, mais je pense que très rapidement les réseaux sociaux vont redevenir l’outil de connexion sociale qu’ils étaient à l’origine et qu’il sera possible pour les marques d’y trouver leur place. Il faudra trouver son rôle : utilité, divertissement, pertinence, etc. Mais une règle d’or : pas d’opportunisme SVP ! Ce n’est ni le lieu, ni le moment !
3) Commencez-vous à en mesurer l'impact financier ?
Sandrine Plasseraud : oui complètement. Plusieurs campagnes reportées, des productions décalées voire potentiellement annulées, des appels d’offres moins nombreux... Je pense qu’on commence à peine à mesurer l’impact financier de ce qui nous attend. Si l’on regarde du côté de la Chine, les ventes au détail, qui est un indicateur clef de la croissance, ont chuté de 20,5% sur janvier-février 2020 par rapport à la même période l’année précédente. On espère que l’impact ne sera pas si catastrophique et pourtant je pense que nous sommes tous déjà en train d’ajuster nos prévisions annuelles de façon drastique.
4) Selon vous, comment pouvez-vous être utile - votre agence et votre secteur - à la société en ce moment ?
Sandrine Plasseraud : le sujet du lien social en période de confinement est un sujet qui m’anime particulièrement depuis quelques jours, étant moi-même confinée depuis six jours et commençant vraiment à ressentir une certaine solitude ! Donc, il y a des choses à inventer, à imaginer pour aider les gens en cette période d’isolement et c’est un sujet sur lequel je me penche. Et puis plus globalement, cette situation est inédite et il est important de s’entraider. Au sein de l’AACC Digital, toutes les agences ont été extrêmement solidaires depuis le début de la crise, on se conseille mutuellement.