Babette Auvray-Pagnozzi (Les Entremetteurs) "les freelances, c'est 10% des actifs et là le gouvernement a pensé à eux : Alléluia !"
Résilience nationale ... Nous sommes dans la troisième semaine de confinement. CB News, comme vous, a intégré une certaine forme d'endurance. Nous continuons notre série débutée mardi 17 mars avec Babette Auvray-Pagnozzi, fondatrice des Entremetteurs, site de rencontres par affinité entre freelances et agences de pub, mis aussi directeur de la création, auteur, influenceur, fondatrice et rédactrice en chef du JSP et "tutti quanti".
1) Après trois semaines de confinement, comment allez-vous chez les Entremetteurs ?
Babette Auvray-Pagnozzi : pour le moment, on tient le coup. On travaille 10 heures par jour, parfois plus. Avec des demandes en "super" urgence et ...on court, on court ! Le plus souvent pour rien, car plus de la moitié des missions sont annulées ou reportées. Côté pratique, la plupart nos freelances peuvent continuer à exercer leur métier et à travailler à distance avec le même niveau d'exigence. Le télétravail, c’est leur quotidien. Ils ont l’expérience et l’équipement pour. Là, c’est plus compliqué à gérer, car certains ont aussi les enfants à la maison. Allez expliquer aux petits pourquoi maman ou papa est tout le temps au téléphone et il fait « Chut ! » quand on lui parle. Côtes agences et annonceurs, c’est plus compliqué. Si certains ont devancé la crise, d’autres viennent juste de découvrir le télétravail et commencent à s’organiser. Pour d’autres encore, c’est carrément la panique. Sinon, nos rendez-vous sont tous virtuels, ce qui ne nous empêche pas d’avancer. On reste des communicants et tous les moyens sont bons pour échanger et rester ensemble. Les outils actuels nous aident à garder le contact, à assurer le suivi et à maintenir un service optimal, malgré les cyber-attaques. Tant qu’il y a de bande passante, il y a de la com et la vie continue. Merci Internet !!!
2) Qu'avez-vous mis en place pour rassurer et continuer à travailler ?
Babette Auvray-Pagnozzi : pour nous, la distance ne change pas grand-chose. Nous avons juste annulé les rendez-vous de visu. Si au départ nous avons rencontré personnellement chacun de nos freelances et la plupart de nos clients, la mise en relation a toujours été faite à distance. Avec les DC, les Dircom ou les trafics tout se passe par mail, par téléphone, par visioconférence, par SMS, parfois même par Facebook avec ceux qu’on connait de manière plus personnelle. Ils nous connaissent, ils savent qu’ils peuvent compter sur le sérieux et le talent de nos freelances, sur notre réactivité, notre professionnalisme, mais aussi sur nous en tant que personnes. Derrière les agences et les annonceurs, il y a des êtres humains qui craignent pour leur futur, pour l’avenir de leur boîte. Nous sommes à leur disposition à tout moment, prêts à les écouter. Avec les freelances, c’est encore et toujours l’humain qui prime. Depuis le Coronavirus, nous restons en contact de manière personnelle et régulière avec chacune de nos pépites. L’échange a une énorme importance, donc tous les moyens sont bons pour faire sentir que nous sommes là, pour eux. Entre deux mises en contact et deux relances, on les appelle pour prendre des nouvelles. Certes, ils sont 300, donc ce n’est pas toujours simple de se cloner, mais ils savent qu’ils peuvent nous appeler quand ils veulent, s’ils en ont besoin ou envie d’échanger. Dès le 16 mars, j’ai transformé mes pages et mes groupes en espace d’expression et de soutien. Je poste par exemple sur la page Facebook Les Entremetteurs (suivie par des freelances, des agences, des annonceurs et quelques badauds), sur mes groupes de publicitaires et sur d’autres réseaux sociaux, des infos utiles pour supporter le confinement : expos ou des concerts virtuels, des petits plans marrants ou utiles ou des idées pour occuper les enfants et les ados sous le slogan "SI ON NE SORT PAS, ON S'EN SORTIRA RESTECHEZTOI #TOUTIRABIEN". Nous avons aussi avancé l’argent et réglé certains freelances, sans que les agences qui étaient en situation difficile ne nous aient payés. Mais notre trésorerie s’amincit de jour en jour. Très vite, nous ne pourrons plus tout absorber.
3) Qu'avez-vous pensé des mesures publiques de soutien aux indépendants ?
Babette Auvray-Pagnozzi : les freelances font partie d’une catégorie souvent oubliée. Pourtant, ils sont plus de 930 000 en France (plus de 10% des actifs) dont 90% par choix et leur nombre augmente chaque année ! Enfin, le gouvernement et les organismes publics se rendent compte qu’ils existent et pour une fois on a pensé à eux. Alleluia ! Aujourd’hui, les freelances doivent faire face aux difficultés liées au ralentissement, voire à l’arrêt, de leur activité. Face à cette crise sans précédent, on a annoncé des mesures sans précédent. C’est bien, c’est un premier pas. On attend la suite.
4) Que pouvez-vous nous dire sur les projets en cours ? Ceux à venir...
Babette Auvray-Pagnozzi : pour les projets en cours, certains s’amplifient, d’autres tombent à l’eau ou sont repoussés.Ça dépend des métiers. Côté créa, c’est presque le calme plat. Pas de pitchs, la plupart des campagnes et des tournages sont reportés ou annulés : toute la chaîne de création est touchée. En revanche, les sites de vente en ligne explosent, certaines marques ont compris que c’est le bon moment pour prendre la parole et elles revoient leur stratégie de communication. On nous demande donc des experts en community management, en communication de crise, des social média, des content, des planneurs stratégiques, des UI, UX, des web designers, des motion designers, des spécialistes du numérique, etc. Pour les projets à venir, nous restons positifs, car nous pensons qu’après un premier moment de panique qui va les paralyser, les annonceurs prendront conscience que la crise peut aussi servir à communiquer leurs valeurs fondamentales, à prendre la parole au moment où que le paysage publicitaire demeure silencieux. Être proche de son public, lancer des initiatives positives et citoyennes dans un moment difficile, ne peut être que payant. En tout cas, toujours fidèle au dicton « qui n’avance pas recule », je pense que l’immobilisme n’est jamais le meilleur choix, à n’importe quel moment. J’ai toujours cru aux « corsi e ricorsi » de l’histoire et mon tempérament optimiste me fait croire que, dès qu’on touchera le fond, ce sera le début de la renaissance, de la reconstruction.
5) Qu'est qui vous a le plus étonné positivement dans la pratique de votre métier depuis le début du confinement ?
Babette Auvray-Pagnozzi : découvrir qu’en dehors des rapports de confiance dans le travail, il y a des rapports humains forts et une vraie connexion qui se ressent dès qu’on est déconnecté. Voir que certains commencent à faire le tri dans ce qui est vraiment important, ils changent leurs priorités et s’aperçoivent que le véritable travail en ce moment c’est de sortir de sa bulle et de penser aux autres. Il est temps de se rendre compte qu’il n’y a pas que son ego et le PQ dans la vie !