Signalétique : les marques doivent emprunter la voie de la sobriété

Portrait_Fabienne_Versluys

La signalétique mérite mieux...

Véritable reflet de l’ADN des entreprises et institutions, la signalétique joue un rôle crucial dans la perception des marques dans nos environnements quotidiens. Il est essentiel qu’elle exprime leur identité et leurs engagements environnementaux. Les designers, en première ligne de cette transformation, ont la responsabilité de concevoir une signalétique qui soit à la fois efficace et respectueuse de l’environnement.

Grande oubliée des stratégies marketing et architecturales, la signalétique mérite mieux. Elle constitue le premier point de contact entre une entité et ses parties prenantes, influençant ainsi la première impression des clients, utilisateurs ou visiteurs. Bien plus qu’un moyen d’informer ou de guider, la signalétique est une véritable extension de l’identité et des valeurs d’une marque ou d’une institution.

Pour les espaces commerciaux, l’enjeu de la signalétique est vital pour se démarquer, aussi bien en intérieur qu’en extérieur. Déployée dans les espaces de travail, elle a pour vertu de fédérer les équipes et de favoriser une reconnaissance et une fierté d’appartenance à leur marque.

En raison du rôle fondamental qu’elle revêt, il est impératif que les organisations veillent à ce que leur signalétique
soit en cohérence avec leurs engagements sociaux et environnementaux, et réévaluent leur approche vers plus de sobriété.

Parce qu’il a la capacité de proposer des réponses concrètes aux enjeux environnementaux, le designer ne peut plus se contenter d’apposer une signalétique « de plus », remplissant uniquement ses fonctions d’information directionnelle. Aujourd'hui, le design de signalétique ne peut plus être seulement une question d'esthétique ou de fonctionnalité, c’est aussi un message de marque et de durabilité. L’adage de Mies van der Rohe « Less is more » n’a jamais été autant d’actualité :  faisons moins et mieux.

Un équilibre à trouver

À première vue, la sobriété semble difficilement compatible avec les exigences de visibilité de la marque. Néanmoins, grâce à des choix avisés, le designer peut parvenir à réconcilier ces deux enjeux. Grâce à une démarche d’écodesign, il est possible de concevoir une signalétique réussie, à la fois fonctionnelle et responsable.

Prendre en compte l’impact environnemental dans le choix des équipements, matériaux, assemblages et procédés de fabrication ne doit plus être perçu par les marques comme une contrainte limitante. Au contraire, il faut revendiquer ces nouvelles données comme une source de créativité. Concevoir en sobriété représente une opportunité d’innovation.

Des choix éclairés

Du plastique aux encres chimiques, en passant par l’énergie consommée, chaque étape de la conception et de la fabrication de la signalétique a un impact sur notre environnement, tant en termes de pollution que d’épuisement des ressources. Prenons l’exemple de la pollution lumineuse : plus de 80% de l’humanité vit sous un ciel saturé de lumière artificielle, et la quantité de lumière nocturne a augmenté de 94% en 20 ans[1], principalement à cause des enseignes lumineuses et des éclairage routiers.

Réfléchissons à cet impact colossal et envisageons d’autres solutions. De nombreuses options existent pour orienter le public ou signaler les marques sans recourir à l’électricité : le jour, maximisons les règles de contraste des typographies et couleurs, adaptons les proportions pour favoriser la lisibilité de loin. La nuit, réduisons au maximum l’éclairage en utilisant systématiquement des capteurs de mouvement, par exemple. Contrôlons davantage et sanctionnons les enseignes qui ne respectent pas le Code de l’Environnement, qui, pour rappel, les oblige à éteindre leurs enseignes lumineuses et vitrines entre 1 heure et 6 heures du matin.

Prenons le parti de proposer des solutions et alternatives attrayantes pour amorcer ce changement de pratiques ! Les designers sont aujourd’hui outillés pour mesurer les impacts sociaux et environnementaux de la signalétique, et faire des choix de conception éclairés. Reste maintenant à faire preuve de pédagogie et d’arguments solides, pour faire bouger les lignes et sortir de la seule logique des coûts.

Redéfinir notre approche

La démarche de sobriété doit être intégrée à toutes les étapes de la conception : du choix des matériaux, en privilégiant les recyclés, recyclables ou à faible impact carbone, à l’optimisation de la conception, jusqu’à l’implantation réfléchie des éléments de signalétique dans leur environnement.  La responsabilité du designer est de proposer des alternatives aux solutions standards, alignées avec l'identité de la marque, en respectant un budget défini et en garantissant la pérennité des installations dans le temps.

La prise de conscience des marques est lente, le « vieux monde » pense encore en logique de coût financier plutôt qu’en coût environnemental, social et sanitaire. Il appartient aux designers de prescrire ce changement vertueux et d’accompagner leurs clients dans cette transformation en mettant en avant le potentiel d’une signalétique bien conçue, responsable et créative. Visible au quotidien, la signalétique constituera alors un atout majeur pour les marques souhaitant affirmer leur engagement et se différencier durablement.

Fabienne Versluys, directrice associée de l’agence Félix et associés, labellisée B Corp.



[1]  Etude « The new world atlas of artificial night sky brightness” publiée le 10 juin 2016 par ScienceAdvances.

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