Mélanie Pennec : « Qui veut d’un truc moche en face de chez lui ? »
Rencontre avec les deux présidents du Grand Prix de la Communication Extérieure : Mélanie Pennec et Didier Quillot.
La 49ème édition du Grand Prix de la Communication Extérieure (GPCE) s’est clos aujourd’hui après deux jours d’intenses débats pour sacrer le meilleur de la création OOH (palmarès ici).
Rencontre avec les deux présidents de ce rendez-vous : Mélanie Pennec, directrice de création, et Didier Quillot, président de Cityz Media (ex. Clear Channel France).
CB News : Quel regard vous portez sur ce cru 2024 ?
Mélanie Pennec : Toutes les campagnes que nous avons primées sont vraiment chouettes. On a peut-être manqué d’une campagne « exceptionnelle ». À l’exception du grand prix, les annonceurs qui travaillent bien le média continuent d’être les mêmes. C’est bien mais ça aurait quand même pu être mieux, je pense.
Didier Quillot : C’est ma première édition, qui plus est en qualité de président. J’ai découvert une profession d’une très grande unité. Nous sommes concurrents tous les jours mais lorsque l’on se retrouve pour le GPCE, un vrai collectif se crée. Ce rendez-vous est également l’occasion de bien expliquer ce qu’est notre média. Mélanie a été une très grande présidente de jury et ce palmarès me plait beaucoup. La campagne Celio, qui a remporté le Grand Prix, est extrêmement innovante, vraie, proche des gens dans la rue… c’est d’ailleurs ce territoire dont nous avons décidé de nous emparer pour notre propre territoire de marque. Le Grand Prix du Public décerné à Super Mario Bros, une activation très appréciée de la présidente, souligne la grande diversité de ce palmarès.
CB News : Ce rendez-vous comporte toutefois deux rendez-vous un peu manqués : l’engagement et le DOOH. Comment l’expliquez-vous ?
Mélanie Pennec : Sur l’engagement, je crois qu’il y a un truc qui fait que ce n’est pas très culturel, en France, pour les marques de communiquer dessus. On le voit tous les ans à Cannes. A l’international, les marques n’ont aucune gêne à clamer haut et fort ce qu’elles font. En France, elles craignent d’être taxées d’opportunisme. Ça explique qu’il n’y ait pas vraiment de sujet de fond sur ce thème. Ce prix de l’engagement, qui n’a pas été attribué cette année, devra peut-être être redéfini et se pencher également sur les efforts hyper louables qui sont faits lors du processus de fabrication en matière de développement durable.
Didier Quillot : Concernant le DOOH, c’est le principal enjeu de notre profession pour les prochaines années. D'abord économique : la part relative du DOOH dans le chiffre d'affaires des opérateurs français est très inférieure à ce qu'elle est en Allemagne ou en Grande-Bretagne par exemple, où plus de 50% du chiffre d'affaires des afficheurs est réalisé en digital. On en est très loin en France et avons un vrai sujet pour faire davantage grandir ce média. Je pense d’ailleurs que le DOOH est un média à part entière et qui doit être traité en tant que tel. Au risque d'être provocateur, le DOOH n’est pas seulement de l'affichage, c'est beaucoup plus que ça avec certes du digital mais aussi de la vidéo, du réseau social, de la géolocalisation, de l’instantané, de l’immersif… aucun autre média ne permet cela. Les créatifs, comme les annonceurs, doivent s’en emparer comme d'un média unique.
Mélanie Pennec : On a besoin d'être un peu plus sensibilisés à ça en agence, en effet. On manque encore de modernité dans notre approche, et on n’exploite pas tout le potentiel du DOOH. Il faut clairement arrêter de l’aborder comme une déclinaison animée du print.
CB News : Les jeunes créatifs perçoivent-ils encore l’affiche comme l’exercice publicitaire maître ?
Mélanie Pennec : C’est ma troisième édition en tant que présidente mais j’en suis à ma sixième présence au GPCE. On se rend compte ici de ce qu’est l’affiche en tant que tel. Mais c’est vrai que lorsque l’on commence dans ce milieu, il y a une forme d’idiome qui traite presse et affichage comme un tout. C’est le sens de ce festival, que les créatifs retournent dans leurs agences en disant que c’est un support à part entière et hyper noble. Toutes les startups dès qu’elles en ont les moyens font une campagne d’affichage ! Ce n’est pas anodin. Lorsque que l’on reçoit aujourd’hui le brief pour une nouvelle marque, on tend à tout vouloir refaire du sol au plafond, en accordant moins de temps à la spécificité de chaque support. L’affiche devient un truc parmi d’autres alors que c’est un vrai support d’émotions collectives. Il y a un gros effort de pédagogie à faire là-dessus.
CB News : Régulièrement attaquée, la communication extérieure a depuis longtemps un projet de grande campagne collective qui peine à aboutir. Verra-t-elle enfin le jour ?
Didier Quillot : Oui, dans les prochains mois je l’espère. Nous voulons expliquer plusieurs caractéristiques aux Français : ce média est celui dont l’empreinte carbone est la plus faible, de fait c’est un media responsable. C’est également un média, par son soutien aux collectivités locales, au service du bien public. Tout comme il est le média de la rue et de l’émotion. Il existe depuis la nuit des temps et ne disparaîtra jamais. Nous sommes tous d’accord au sein de la profession pour réactiver très vite ce projet. Nous avons tenu un bureau de l’UPE pendant ce GPCE et enclenchons d’ores et déjà l’élaboration du brief.
Melanie Pennec : L’autre moyen de faire évoluer la perception de l’affichage, c’est de faire des affiches bien. Et là, il en va d’abord de notre responsabilité. Personne n’a envie d’avoir un truc moche en face de chez lui. Œuvrons à faire du fin, du beau, du drôle.