Médias et IA : tu veux ou tu veux pas ?
Le contrat ou le procès? Certains médias ont conclu des accords permettant à des acteurs de l'intelligence artificielle (IA) d'utiliser leurs contenus, alors que d'autres les poursuivent en justice en les accusant de les piller. Voici les principaux exemples.
Ceux qui signent
Dans un marché encore jeune, les signatures se sont accélérées en 2024, même si elles restent relativement rares. Beaucoup concernent OpenAI, société américaine conceptrice de l'outil-phare ChatGPT. Les modalités peuvent différer d'un contrat à l'autre. Mais leur philosophie générale est d'autoriser les systèmes d'IA générative à s'appuyer sur les contenus des médias partenaires pour produire des textes en quelques secondes, sur demande de leurs utilisateurs. En contrepartie, les créateurs d'IA payent ces médias.
Le groupe allemand Axel Springer (éditeur du tabloïd Bild) a été l'un des pionniers. Il a successivement signé en décembre 2023 avec OpenAI, puis en avril 2024 avec Microsoft. Au premier trimestre 2024, OpenAI a annoncé des "partenariats" avec le quotidien français Le Monde, le groupe espagnol Prisa Media (El Pais, As) et le journal économique britannique Financial Times. Puis, en mai, c'est le groupe News Corp, de la famille Murdoch, qui a signé avec OpenAI. Parmi ses titres figurent le Wall Street Journal et le New York Post aux Etats-Unis, ainsi que le tabloïd The Sun et The Times au Royaume-Uni. Selon le Wall Street Journal, le montant de l'accord s'élèverait à plus 250 millions de dollars sur cinq ans, dont une partie sous forme de crédits pour l'utilisation de la technologie d'OpenAI. Auparavant, en juillet 2023, OpenAI avait conclu un accord avec l'agence de presse américaine Associated Press (AP) qui lui permettait d'utiliser les archives de cette dernière depuis 1985. AP va en outre fournir des contenus d'actualité à l'IA générative de Google, Gemini, selon une annonce faite mercredi. La date du déploiement de cette nouvelle fonctionnalité n'a pas été révélée, ni le montant du contrat.
En juin 2024, deux organismes professionnels représentant 800 titres de la presse française, l'Apig (quotidiens) et le SEPM (magazines), ont appelé les principaux acteurs de l'IA à négocier. Mais OpenAI leur a opposé une fin de non-recevoir, en rejetant le principe d'une négociation groupée. Faute d'accord, ces organismes collectifs pourraient bientôt entamer des poursuites. Depuis quelques années, la presse française ferraille déjà en justice avec les géants d'internet, comme Google, Microsoft ou X, dans le dossier des droits voisins (le fait de payer pour afficher des contenus de presse, NDLR). "L'IA et les rapports avec les plateformes sont des sujets qui mettent en jeu l'existence même de la presse", souffle un grand patron de médias français.
Ceux qui attaquent
A rebours de ces accords, d'autres médias ont choisi le bras de fer et traînent les acteurs de l'IA en justice. Ils leur reprochent d'avoir utilisé leurs contenus piochés sur internet sans payer. Le prestigieux quotidien américain The New York Times est à la pointe de cette bataille judiciaire. Fin décembre 2023, il a lancé des poursuites contre OpenAI et Microsoft pour violation des droits d'auteur. Le journal chiffre son préjudice à plusieurs milliards de dollars. OpenAI a contre-attaqué en accusant le New York Times d'avoir piraté ChatGPT pour obtenir certains éléments sur lesquels sa plainte est basée. En avril 2024, huit autres journaux américains ont, à leur tour, porté plainte contre OpenAI et Microsoft.
Ces plaignants (New York Daily News, Chicago Tribune, Orlando Sentinel, Sun Sentinel of Florida, San Jose Mercury News, Denver Post, Orange County Register et St. Paul Pioneer Press) appartiennent à Alden Global Capital, un fonds spéculatif. OpenAI a également été attaqué fin novembre par un collectif de grands médias canadiens (Postmedia, The Globe and Mail, The Canadian Press, CBC/Radio-Canada et Torstar, la société mère du Toronto Star). Ils réclament 20.000 dollars canadiens (13.400 euros) par article, soit un total de plusieurs milliards de dollars. En octobre 2024, le Wall Street Journal et le New York Post ont porté plainte contre une autre start-up d'IA, Perplexity AI.