«Il faut monter dans le cockpit pour détourner l’avion»

Edouard Bergeon
(© Thomas Lavelle)

Réalisé par Édouard Bergeon, le film La promesse verte sortira en salles le 27 mars. Rencontre. Et cadeau CB+: des invitations pour l'avant-première.

Fils d’agriculteur, fondateur de la chaîne AuNomdelaTerre.tv dédiée au monde agricole, au bien manger et à la ruralité, cofondateur de l'agence de brand content Court-Circuit - Circuit Court, Edouard Bergeon signe également son deuxième long métrage après le très remarqué Au nom de la terre en 2019. La promesse verte sortira en salles le 27 mars sur fond de crise agricole. Discussion à bâtons rompus avec un réalisateur engagé. Et cadeau : des invitations pour l’avant-première du 7 mars au Mk2 Bastille, à Paris.

CB News : « La promesse verte » explore le lien complexe entre agriculture moderne et durabilité environnementale ? Quel a été l’élément déclencheur ?

Edouard Bergeon : J’ai grandi et travaillé dans une ferme. Agriculteur, mon père était déjà confronté à des problématiques qui sont toujours d’actualité (père qui a mis fin à ses jours en 1999 en ingérant des pesticides, NDLR). C’est cette histoire de famille qui est la base de tout. Je raconte ce cadre qui m’a vu naître. Je ne donne pas de leçon, je suis un passeur. C’est la terre qui donne. En 2019, avec « Au nom de la Terre » interprété par Guillaume Canet, j’évoquais déjà le malaise des agriculteurs. Dans la « La promesse verte », avec Alexandra Lamy, j’aborde la déforestation causée par la production d’huile de palme en Indonésie et la lutte contre des industriels surpuissants. Au sortir des avant-premières, les critiques sont assez acerbes, on me trouve trop démonstratif selon elles, mais les spectateurs ressortent bousculés. Ça leur parle et ça c’est positif. Mon dernier film, « Femmes de la terre », diffusé sur France 2 le 27 février dernier lors d’une soirée spéciale, montre encore une autre facette du monde agricole. Celle des femmes et la manière dont elles vivent le quotidien et les conditions de travail agricoles. Et elles le vivent bien ! Quand le représentant des laiteries explique à la radio que ce ne sont pas les revenus des agriculteurs qui posent problème mais les conditions de travail, c’est une vision erronée de la réalité. Les citadins ont également une vision fantasmée de ces conditions de travail.

CB News : Quel impact la crise agricole actuelle peut justement avoir sur la perception publique de l'agriculture durable ?

Edouard Bergeon : Cela fait trois mois que les agriculteurs font la promotion de mon film (rires). Ils manifestent leur colère et permettent de braquer la lumière sur des problématiques de fond. Il faut monter dans le cockpit pour détourner l’avion, et il est de bon ton de rappeler au grand public que nos agriculteurs nous nourrissent avec de bons produits, trois fois par jour. Mais aussi que l’agriculture française est celle qui fait le plus d’efforts avec le plus de normes au niveau environnemental et durable, et ce même s’il reste encore beaucoup à faire. Il semble impossible de produire de la nourriture, pas chère, sans qu’elle soit fabriquée de manière intensive et à grand échelle. Une des solutions ? Du circuit court, du bio, bien sûr ! Mais il faut soutenir nos agriculteurs avec des aides à la conversion et au maintien bio et produire avec encore plus de qualité et de durabilité. Que faire pour les 10 millions de personnes qui ne se nourrissent pas à leur faim chaque jour en France ? Il faut sanctuariser l’agriculture. Et pourquoi pas, créer une sécurité sociale alimentaire ?

CB News : Les cinéastes et les artistes peuvent contribuer à ouvrir le dialogue entre les différents acteurs du monde agricole. Quel rôle pour la communication ?

Edouard Bergeon : Dis-moi ce que tu manges, je te dirais qui tu es. Socialement, environnementalement, comment manger des tomates marocaines et du poulet brésilien sans perdre notre souveraineté ? Les industriels ne jouent pas le jeu, et si on attend les politiques… Il faut clairement que les industriels prennent leurs responsabilités, notamment ceux qui ont des centrales d’achats à l’étranger, ainsi que la grande distribution. Voire, les obliger à prendre leurs responsabilités. Le monde de la publicité et des médias joue également un rôle. On parle parfois de greenwashing… Certains ont de bonnes pratiques, tout n’est pas noir ou blanc. Bien évidemment les consommateurs grâce à leurs actes d’achats pèsent aussi dans le débat. Réenchantons les métiers de la terre, créons des vocations. Mais pour ça, il faut vivre de son métier. Cela passe aussi bien-sûr par l’éducation. Cette dernière est comme la terre, elle s’inscrit dans un temps long, elle se cultive. Les jeunes générations sont plus conscientes et n’ont pas d’autre choix que de voir que la Terre est mal-en-point.

CB+ vous convie à l’avant-première de la « Promesse verte » qui aura lieu le 7 mars au MK2 Bastille en présence de son réalisateur, Edouard Bergeon. Pour obtenir votre invitation, c’est par ici.

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