Les plateformes de streaming font de l’ombre aux développements des programmes jeunesse

patrouille

Les dessins animés diffusés le matin ont toujours la cote auprès des jeunes téléspectateurs mais l'essor du streaming suscite des inquiétudes pour l'animation française, très dépendante des chaînes nationales.

La petite révolution survenue début janvier sur TF1, nounou matinale prisée des parents depuis 1987 et le "Club Dorothée", a engendré de l'émoi. Pour laisser place à l'émission "Bonjour !", au public plus large, "TFOU", sa puissante case jeunesse, a été écourtée en semaine et en partie basculée sur sa petite soeur TFX, moins exposée. "Dans un contexte où la consommation non linéaire (à la demande) progresse à grands pas chez les enfants, c'est un sacré pari", s'inquiétait à l'époque Stéphane Le Bars, délégué général du syndicat des producteurs d'animation AnimFrance, interrogé par l'AFP. Ce pari a au moins profité aux concurrentes France 5 et Gulli, leader auprès des 4-10 ans avant l'école en janvier, alors que TF1 avait toujours été loin devant avec 38% de part d'audience (PDA) sur cette cible en semaine et le week-end la saison dernière. Mais TFX "progresse chaque semaine" et a, avec 20% de PDA, devancé France 5 (16%) et Gulli (15%) entre 6H55 et 8H45 du 29 janvier au 4 février, selon TF1. Surtout, les fans de la locomotive canadienne "Pat'Patrouille" ont su retrouver Chase et Marcus sur TFX : 300.000 téléspectateurs ont ainsi regardé l'épisode diffusé le 8 janvier autour de 8H, soit plus que la moyenne enregistrée à cet horaire la saison dernière sur TF1 (192.000)... et plus que la matinale de Bruce Toussaint (289.000) le même jour, sur une tranche bien plus longue (7h-9H30).

Même si les usages changent, "il y a encore de la place, pour de nombreuses années, pour un rendez-vous quotidien" pour les enfants, assure Yann Labasque, directeur des programmes jeunesse de TF1.    "Chaque semaine, le matin avant l'école, deux millions d'enfants regardent la télé", abonde Amandine Roussel, directrice de la programmation d'Okoo, l'offre jeunesse de France Télévisions. Le poste "permet de maintenir les rituels" chers aux familles, commente Philippe Bony, le président de Gulli (groupe M6). Mais le temps qu'y consacrent les 4-14 ans est tombé de 1H39 par jour en 2018 à 58 minutes en 2023, replay inclus, selon Médiamétrie. Dans ce contexte, l'industrie attend de voir "dans quelle mesure les opérateurs locaux", principaux investisseurs de l'animation française, "vont être capables de récupérer des parts de marché" avec leurs offres numériques (TF1+, TFOU Max, Okoo, 6play, GulliMax...) face à YouTube ou Netflix, explique Marc du Pontavice, fondateur de Xilam ("Oggy et les cafards") et administrateur d'AnimFrance.

Les plateformes "ne jouent pas le jeu"

 C'est d'autant plus "vital" que les géants du streaming "ne jouent pas le jeu des grandes chaînes françaises" en matière de création, privilégiant les "titres de catalogue" connus des enfants aux nouveautés, souligne le producteur, qui n'est "pas le plus à plaindre", Xilam ayant produit l'ensemble des quatre inédits tricolores sortis sur Netflix ("Karaté mouton") ou Disney+ ("Les aventures au parc de Tic et Tac") ces dernières années. Jugées dérisoires pour l'animation, les obligations de financement imposées fin 2021 aux plateformes par le régulateur de l'audiovisuel ont depuis été renégociées avec Netflix et Amazon. "On est encore loin du compte", déplore Stéphane Le Bars, alors que "Grizzy et les Lemmings", "Miraculous" et d'autres séries hexagonales constituaient 60% de l'audience des programmes audiovisuels tricolores dans le monde sur Netflix au premier semestre 2023. Les services à la demande ont en outre "un mal fou à lancer des inédits" auprès des enfants, là où les chaînes "avaient un rôle extraordinaire de prescription", constate Marc du Pontavice. Sur Okoo (1,5 million de vidéos vues par jour), "les enfants sont assez curieux", nuance Amandine Roussel, selon qui la plateforme du service public a servi de "rampe de lancement" à des nouveautés comme "Sam et Julia" ou "Edmond et Lucy". En 2025, sur Netflix, c'est un héros archiconnu, Astérix, qui repartira à la conquête du monde dans une série réalisée par Alain Chabat et produite par le studio toulousain TAT.

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