Bertrand Delais (LCP) : "Il n’existe pas de grande aventure de presse qui ne soit pas collective"
Depuis 2018, Bertrand Delais est président de La Chaîne parlementaire (LCP). Son deuxième mandat se termine en juin 2024, sans être renouvelé. Une volonté personnelle qu'il dévoile à CB News.
Alors que les candidatures à la présidence de LCP s'ouvrent en janvier, le journaliste et documentariste Bertand Delais fait le bilan de ses deux mandats et nous partage la vision de son successeur idéal.
CB News : pourquoi ne pas briguer pas un troisième mandat à la présidence de LCP ?
Bertrand Delais : J’ai l’impression d’être arrivé au bout. Lors de mon premier mandat, j’ai impulsé de nouvelles choses qui ont été consolidées lors du second. Je ne trouve pas d’enjeux pour briguer un troisième mandat. J’ai commencé à y réfléchir au printemps, puis j’ai pris ma décision à la rentrée.
CB News : vous avez récemment annoncé votre décision à vos équipes. Comment cela a été pris en interne ?
Bertrand Delais : La décision a un peu surpris. Tout le monde savait que j’avais de fortes chances d’être réélu. Il y a également un peu d’inquiétude. L'élection est une période d’instabilité où les salariés peuvent subir des pressions.
CB News : quel serait le candidat idéal selon vous ?
Bertrand Delais : Je n’ai pas de candidat idéal, mais un profil. Mon atout quand j’ai commencé a été de ne pas être un journaliste. J’ai pu parler à l’ensemble des services, autant à la production qu’à la rédaction. Entre ces deux services, le point de crispation managériale est puissant comme dans toutes les autres entreprises. Le profil idéal doit être en état de leur parler, ainsi qu’à l’ensemble des salariés. Je constate aussi que les deux fois où la chaîne a connu une relative paix sociale, c’est lors du mandat de Richard Michel et le mien, soit des gens qui ne sont pas journalistes.
CB News : quel bilan faites-vous de vos mandats ?
Bertrand Delais : Nous avons fait un saut qualitatif sur la production qui explique le succès d’audience depuis que je suis là. Cela passe par une exigence accrue ainsi qu’un collectif puissant et soudé. Si vous ne nourrissez pas un sentiment collectif d’appartenance à la même entreprise, il est plus difficile à faire porter. Il n’existe pas de grande aventure de presse qui ne soit pas collective.
CB News : comment entretenir ce sentiment de collectif ?
Bertrand Delais : À travers des séminaires, de l’écoute, le choix de la secrétaire générale... Ce travail n’est pas spectaculaire, il passe par plein de petites choses au quotidien.
CB News : vous aviez envie de “désinstitutionnaliser” LCP. Avez-vous atteint votre objectif ?
Bertrand Delais : Je pense que nous avons atteint un point d’équilibre. LCP est la chaîne d’une institution, mais elle n’apparaît pas comme son porte-parole. Il faut veiller à ne pas apparaître comme la “pravda de l'Assemblée nationale”. Cela passe par exemple par des programmes différents et un habillage plus dynamique, d'Anne Caminade pour le visuel, et Wax Tailor pour le sonore.
CB News : vous vouliez également développer des synergies avec Public Sénat, avec qui vous partagez le canal 13. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Bertrand Delais : Nous ne l’avons pas fait tant que ça en raison du Covid-19, mais aussi d’une actualité extrêmement forte à l’Assemblée nationale. Mais nous avons pu prendre aisément des passages d’antennes de Public Sénat lors des débats sur la retraite ou la future loi asile immigration. Ces échanges tiennent beaucoup aux relations humaines, à la qualité de nos rapports et à la personnalité de Christopher Baldelli (président de Public Sénat, NDLR).
CB News : quels seraient les futurs défis de LCP ?
Bertrand Delais : LCP a un atout énorme. La chaîne a une bonne image, mais elle reste fragile. Il faut continuer le développement de contenus sur les plateformes numériques comme YouTube. LCP doit développer une stratégie hors écran et rentrer dans une logique marketing en faisant par exemple des événements pour faire vivre la marque.
CB News : après LCP, quels sont vos projets ?
Bertrand Delais : Je compte rester dans le secteur des médias, a priori de l’audiovisuel, mais peut être autre chose m’attire ailleurs. Je tiens à préciser mon pincement à ne pas rempiler pour un troisième mandat à LCP, car j’ai une profonde affection et reconnaissance aux salariés. Je leur ai demandé beaucoup pour que nous arrivions à nous imposer face aux grandes chaînes. Nous n’avons pas fait une soirée en dessous de 100 000 spectateurs. Je l’ai impulsé, mais ce sont eux qui l’ont fait.