Le "best of" post Cannes Lions d'Olivier Altmann (Altmann + Pacreau)

Olivier Altmann

Quand la rédaction a demandé à Olivier Altmann, CEO d’Altmann+Pacreau, ce qu'il a pensé des Cannes Lions cette année, il n'a pas mâché ses mots. Après avoir félicité le travail des créatifs, toujours aussi "passionnés" et "talentueux", il a relevé les cinq campagnes qui ne l'ont pas laissé indifférent. "Ça va faire vétéran ou vieux c*n, mais je continue de penser que trop de prix tuent les prix" explique Olivier Altmann, "c’est formidable de gagner un Lion, et dieu sait que ça rend fier, que ça donne la patate, que ça galvanise les troupes ! Mais quand le challenge est d’inscrire un même travail, certes de qualité, dans le maximum de catégories éligibles, je trouve que la créativité y perd un peu son âme. Avant, on était déjà aux anges d’avoir une shortlist ou un Lion de bronze. Aujourd’hui, on peut gagner 10 Lions d’un coup et seuls les Grands Prix attirent vraiment les projecteurs". Le publicitaire a compté..."Quand on fait le calcul de ce que notre industrie dépense chaque année dans ce festival incontournable, on peut se demander si nous, les créatifs, ne sommes pas prisonniers d’un système qui nous dépasse : environ 27 000 inscriptions à 1 200 € en moyenne = 32,4 M€ environ. Auquel il faut ajouter 15 000 délégués à 4 000 € l’accréditation en moyenne = 60 M€. Sans compter les rémunérations sur les chambres d’hôtels et les locations d’espaces événementiels". 

Paradoxe

"En dépensant autant pour notre gloire, au milieu des yachts et des palaces, sommes-nous si responsables que nos campagnes essayent de l’être ?" se demande-t-il en appuyant sur une réalité : "le paradoxe est de découvrir que les plus grands absents sur place ce sont… les créatifs. Hormis nous les patrons, patrons de la création, et les quelques primés qui descendent, nombreux sont ceux qui restent à l'agence travailler. Les jeunes et les moins jeunes sont rarement conviés car les agences n’ont plus les moyens de leur payer le séjour. Et puis, comme chacun peut tout voir sur internet, à quoi bon désormais se retrouver tous ensemble pour se faire un grain bain de culture créative collective ?. Bon allez, j’arrête, car on va dire que je suis aigri alors que je suis juste un peu nostalgique. Au contraire, je suis très fier de ce que la France a accompli cette année avec notamment 3 Grands Prix [ndlr : Working with cancer dans la catégorie Health Grand Prix for Good, Plug Inn de Renault de la même agence, dans la catégorie Creative Strategy, et Anne de Gaulle par Havas Paris dans la catégorie For Good] amplement mérités. C’est unique ! On le doit à une génération de créatifs passionnés et talentueux qui se tirent la bourre, mais qui savent aussi se serrer les coudes pour faire d’abord gagner la créativité tricolore avant celle de leur agence"

Best Of (enfin)

"Donc mon Best of Cannes, c’est tous les travaux français qui ont permis de démontrer que, malgré le fait que nous sommes le 6ème pays en terme d’investissements publicitaires, nous sommes le 4ème mondial en terme de créativité ! Bravo à tous les gagnants de cette année, vous démontrez aux esprits grincheux que même si notre quotidien n’est pas toujours rose, on peut encore avoir des idées en or".

Skittles / Apologize the rainbow

Un livestream de 35 min où la marque s’excuse 9 ans après d’avoir arrêté son parfum au citron. Une parodie des conférences de presse où les dirigeants d’entreprise font généralement acte de contrition après un scandale. Totalement crétin, irrévérencieux et jouissif. Enfin une marque qui ne cherche pas à sauver le monde mais juste à nous le rendre plus supportable en nous faisant rire.

Skinny / phone it in

La radio est une catégorie totalement délaissée par les créatifs et il faut bien le dire, aussi par les annonceurs. Pourtant chaque année Cannes nous démontre qu’on peut avoir de grandes idées sans nécessairement de grands moyens. Cette fois c’est Skinny, une marque de telecom néo-zélandaise qui, pour affirmer son positionnement low-cost, à invité tout un chacun à enregistrer des spots radio gratuitement en appelant un numéro de téléphone et en lisant les nombreux textes qui étaient placés dans tous les endroits possibles. Quoi de plus malin que d’utiliser les passants pour faire sa promotion.

Apple - The greatest

Deux grand thèmes ont émergés cette année à Cannes. L’intelligence artificielle bien sûr mais aussi l’inclusion. Alors que de nombreuses marques cherchent à mettre en avant leur valeurs inclusives, souvent de façon démagogique, Apple y parvient sans se prendre les pieds dans le tapis. Comment ? Par la preuve. En faisant une démonstration de toutes les fonctionnalités qui permettent aux personnes handicapés de vivre une vie normale, de se maquiller, de se déplacer, de créer… Mais là où la marque va plus loin encore, c’est qu’elle ne fait pas un film sur eux, mais pour eux, en les associant à la conception du script jusqu’à la composition de la musique du film. [ndlr : le spot réalisé par Kim Gehrig a reçu un Grand Prix Entertainement and Music]. 

Honest Eggs - Fitchix

Voilà une idée toute simple (en apparence). Pour démontrer que les oeufs de la marque sont « vraiment » issus de poules élevées en totale liberté, avec un espace suffisant pour gambader, l’agence a eu l’idée lumineuse d’écrire sur chaque oeuf le nombre de pas que fait chaque poulet par jour. Mais avant d’en arriver là, il a fallu développer un prototype pour développer un podomètre à gallinacés. Certes la démarche peut paraître un peu excessive mais en terme de RP, c’est redoutablement efficace. Dans un marché où le consommateur se perd parmi toutes les allégations (plein air, en liberté, fermier, etc) quoi de mieux que d’utiliser le produit final comme support de communication d'une preuve ultime. Et en plus ça fait sourire. 

German Rail - Escape

Ce n’est pas un Grand Prix mais « juste » un Lion de bronze. Pour autant je trouve toujours jubilatoire les créatifs qui arrivent à trouver des idées malines avec peu de moyens. En l'occurrence, c’est une grande marque, la Deutsch Bahn, l’équivalent de notre SNCF, qui invite les gens à se voir en vrai plutôt que par visioconférence. Après la pandémie et désormais le télétravail qui s’installe, on ne peut que se reconnaitre et sourire devant ses écrans totalement impersonnels où la plupart des intervenants n’activent pas leur caméra. Un insight universel, des formats courts, et un budget de 5 000 euros. Comme quoi, on n’a pas forcément besoin de faire un film émotionnel de 2 min à 2M d’euros pour prôner le reconnexion. Et cerise sur le gâteau, les initiales des participants forment des mots évocateurs comme Pain, Hell, Fuck. La campagne est à découvrir ici

Mélanie PennecBaudouin DemancheSébastien Partika, Philippe Boucheron et Chloé Chaniot se sont également prêtés à l'exercice. 

►Pour lire (ou relire) les papiers de CB News sur la dernière édition cannoise, c'est par là.

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