Un bonheur certifié
Je me suis laissé dire qu’un certain nombre d’entre vous avait pour habitude dominicale de lire ma prose ainsi que celle du JDD. Que mes quelques lignes viennent compléter la lecture d’une institution est évidemment très flatteur. Aussi suis-je affligé (pas facile de prononcer ça à voix haute, non ?) que ceux qui s’adonnent à cette routine ne puissent le faire pour la deuxième semaine consécutive, mes confrères du Journal du Dimanche ayant décidé de se mettre en grève pour des raisons légitimes. Je ne commenterai pas ici la nomination qui a déclenché ce mouvement si ce n’est pour constater qu’il arrive trop souvent qu’une direction de groupe média prenne des décisions inconsidérées sans s’inquiéter des conséquences. Une rédaction est avant tout un groupe de personnes travaillant ensemble pour produire des contenus cohérents, parfois complexes, souvent nécessaires. C’est une communauté dont l’équilibre est parfois fragile et délicat et le rompre peut avoir des conséquences dommageables bien au-delà des journalistes concernés. À l’heure où un pays peut s’embraser après la diffusion d’une vidéo qu’on croirait sortie d’une série policière, il est plus que jamais important que nos médias soient à la hauteur des enjeux. Notre monde est trop sensible pour que l’on joue avec l’un des piliers de la démocratie. Ceci étant posé, je ne voudrais pas non plus complètement plomber votre dimanche. C’est pourquoi je dois vous faire part de ma satisfaction à la lecture de nombreux communiqués émanant d’entreprises qui se réjouissent de leur classement dans un palmarès baptisé « Happy At Work » dont le nom est assez explicite. Ça fait plaisir de voir ces gens se féliciter d’être certifiés heureux. En ce qui me concerne, il ne me semble pas avoir besoin de diplôme pour affirmer que ça va plutôt pas mal. Et il n’y a pas de raison que ça change.