Netflix, j’y vais ou j’y vais pas ? Bertrand Beaudichon (Initiative)
Historiquement, annonceurs, agences média ou encore régies publicitaires pointent la nécessité, voire l’obligation, de disposer de metrics fiables et transparentes des audiences aussi bien sur le linéaire qu’en ligne. Début novembre 2022, Netflix lançait son offre avec publicité. Le service de streaming, à date, ne communique pas ses données d’audience et, pourtant, bon nombre d’annonceurs se ruent sur ses espaces publicitaires… CB News est parti interroger le marché sur ce qui pourrait ressembler à un étrange paradoxe. C’est « Le débat CB News » qui débute aujourd’hui. Il proposera ces prochains jours une série d’interviews des parties prenantes. Aujourd’hui, après Emmanuel Crego (Values.Media), Bertrand Beaudichon, directeur général d’Initiative (Mediabrands-Interpublic).
CB News : Depuis début novembre 2022, Netflix propose une offre avec Publicité. Une bonne nouvelle pour les agences média ?
Bertrand Beaudichon : En principe et sur le long terme, oui, c’est une bonne nouvelle que des solutions publicitaires de ce genre apparaissent. D’abord, pour nous permettre de toucher des audiences qui désertent peu à peu les contenus des chaines TV classiques, au profit des grandes plateformes de streaming (14% de baisse moyenne des audiences en 2022, 6% à 8% attendus en 2023) qui proposent des contenus alternatifs et de plus en plus rassembleurs. D’autre part parce que ces plateformes proposent des contenus qui touchent aux points de passion des cibles que les marques cherchent à toucher, et donc à une marque d’apparaître dans un contexte parfois très affinitaire. Après avoir dit ça, l’offre est à ce jour loin d’être suffisante en volume et structurée en termes de mesure de performance.
CB News : Conseillez-vous à vos clients d’y investir publicitairement ?
Bertrand Beaudichon : Nous restons pour le moment très mesurés dans notre recommandation de ce genre d’offre publicitaire, car très peu d’entre elles se sont encore suffisamment structurées pour offrir un inventaire suffisant ou une data comparable à la TV pour mesurer la performance réelle obtenue par ce type de diversification. À date, seul Prime Video, avec son offre publicitaire autour de ses contenus sports propose quelque chose de suffisamment robuste.
CB News : Les agences médias et les annonceurs plaident fortement et depuis longtemps, encore lors des dernières rencontres de l’UDECAM en novembre dernier, pour la mise à disposition de metrics toujours plus fiables et transparentes sur les audiences, aussi bien sur le linéaire qu’en ligne. Netflix n’en communiquent pas alors que bon nombre d'annonceurs y investissent déjà. N’y a-t-il pas là un paradoxe un peu gênant pour les agences médias au cœur du réacteur et les annonceurs, voire même un peu d’hypocrisie ?
Bertrand Beaudichon : Je ne pense pas que les annonceurs qui sont allés sur Netflix poursuivaient un but autre que de tester un nouveau support pour tenter d’en tirer des enseignements futurs, ni que leurs agences médias ne les avaient pas prévenus des écueils auxquels ils pouvaient s’attendre. Tout le monde savait que la mesure ne serait pas au rendez-vous, que l’audience était loin d’être garantie (et là, en l’occurrence, tout le monde a été déçu), que les possibilités de ciblage étaient assez limitées et que le prix du CPM était très élevé. Mais tester des choses nouvelles et être le premier à le faire est un des fondamentaux de la relation annonceur-agence depuis toujours. Ceux qui ont testé la TV segmentée quand elle était balbutiante ont appris avant les autres !
Comme tous nouveaux canaux publicitaires, cette offre mettra du temps à se structurer et à se fiabiliser. Mais comme je le disais au début, elle est promise à un bel avenir. Mais ça mettra du temps, et les agences médias joueront leur rôle pour formuler leur demande d’évolution de l’offre satisfaisant les besoins de mesure et de compétitivité des annonceurs qu’elles représentent. Comme toujours.
CB News : Les clients de l’agence sont-ils moteur dans ce choix d’être présent sur les espaces de Netflix, ou y-a-t-il un rapport de force entre l’agence et son client ?
Bertrand Beaudichon : Non, pas un rapport de force. Il s’agit d’une décision délibérée et réfléchie mutuellement entre l’annonceur et son agence de tester ce nouveau support afin de commencer à en mesurer les effets. Et comme je vous le disais, les agences ont forcément fait leur travail et prévenu leurs annonceurs du prix (50€ du CPM vs 8 pour la TV), de l’incertitude totale sur les impressions qui allaient pouvoir être délivrées, et sur les limites de mesure en aval de la campagne.
CB News : Netflix mesuré par Médiamétrie, par exemple, une attente forte de votre part dans un délai court ?
Bertrand Beaudichon : Évidemment, et audité par le CESP. Comme toutes les autres plateformes de streaming. C’est un must si elles souhaitent accéder au statut de média considéré ! Et, comme pour la TV segmentée ou l’audio-digital récemment, une bibliothèque de post-tests permettant de mesurer les gains branding qu’on peut attendre de ce type d’activation.