Metaverse et marques : nouvel eldorado, ou terrain d’expérimentation à saisir ?
Nike, Axa, Balenciaga, Forever21 ou encore Carrefour, nombreuses sont les marques à investir les univers virtuels, et pas une journée ne se passe sans un nouvel effet d’annonce. A tel point que certains prévisionnistes imaginent déjà un marché total pour le metaverse de l’ordre de 700 milliards de dollars en 2030 !
Difficile à croire pour le plus grand nombre, car ces metaverses en sont encore à un stade embryonnaire - force est de constater pour le moment la faible pénétration de cet univers auprès du grand public. S’y ajoutent les signaux faibles émis par le marché ces derniers mois : correction du cours des cryptomonnaies, tassement de l’engouement autour des NFT…
Alors, faut-il investir le metaverse quand on est une marque ? Est-il vraiment accessible à toutes les marques ? Qu’a-t-on à gagner à s’y aventurer dès aujourd’hui ? Comment éviter d’y perdre, à court comme à long terme ? Et surtout, quelle place occupera-t-il dans l’expérience de marque de demain ?
On parle souvent de l’accélération du rythme du changement. Ce qui est nouveau avec le Web3, c’est qu’il mûrit à une vitesse folle, en intégrant les marques dès l’origine. Car aujourd’hui, ces univers virtuels ont besoin des marques pour gagner en crédibilité, autant que certaines marques ont besoin d’eux, pour des raisons d’image et d’expérience. Il y a 15 ans, les débats faisaient rage sur la rentabilité de Facebook, et sur la place que les marques pouvaient y occuper. Il aura fallu au moins 6 ou 7 ans pour que la plateforme iconique du web 2.0 accouche d’un modèle rentable.
En contraste, le Web3 propose d’emblée un tout autre paradigme, qui en fait un terrain de jeu essentiel pour les marques, pour au moins trois raisons principales.
Tout d’abord, le Web3 repose sur une philosophie et un modèle dits « décentralisés ». Contre la domination des GAFAM, il propose un modèle démocratique et ouvert, où tous les acteurs sont les bienvenus. Sébastien Borget, cofondateur de The Sandbox (une des plateformes de référence, à vocation gaming et sociale, parmi les metaverses en construction), explique ainsi qu’à terme, « seuls 10% des contenus de la plateforme seront produits par The Sandbox » – le reste étant aux mains des « créateurs ».
Au premier rang de ces créateurs : les marques. Il y a aujourd’hui une certaine forme d’égalité entre les plateformes et les marques, qui ont une carte à jouer maintenant en expérimentant et en proposant une expérience à leur image, qui résonne avec leur ADN, leur identité et leurs valeurs. Véritables repères culturels IRL, elles ont la notoriété, les actifs immatériels et les moyens financiers pour proposer des expériences originales et sur-mesure répondant aux envies des nouveaux explorateurs du Web3. L’industrie de la mode et du luxe est à la pointe dans ce domaine-là, à l’image de ce qu’a pu faire Louis Vuitton avec league of Legends, mais de nombreux autres secteurs lui emboîtent peu à peu le pas.
Ensuite, à propos de ces nouveaux explorateurs du Web3 justement, ils sont plus jeunes, plus connectées, à la recherche d’expériences et de moments partagés. Il y a donc là un terrain de jeu et de conquête essentiel pour les marques, qui se doivent d’être présentes là où leurs consommateurs le sont, pour séduire les générations Z et Alpha. Il s’agit alors de prendre un temps d’avance, en créant du lien avec les consommateurs de demain - voire d’après-demain.
Enfin, le Web3 fonctionne sur un modèle économique plus mature que celui des itérations précédentes. La question de la création de valeur et de son partage entre les parties-prenantes est centrale dans ce modèle. La création de communautés (les fameuses DAO) possédant leurs propres jetons et cryptomonnaies, les logiques de « play-to-earn », ou encore la rémunération de l’attention des internautes (voir le modèle du navigateur web Brave et de sa monnaie propriétaire, le BAT) sont autant d’exemples de cette maturité financière. Bien évidemment, cela ne veut pas dire que tous les business models du Web3 soient destinés au succès ! Comme pour toute aventure entrepreneuriale, seul l’avenir nous dira quels modèles tireront leur épingle du jeu sur la durée...
Alors, bien sûr, s’aventurer dans les méandres du Metaverse et de son écosystème présente sa part de risque. Les marques se doivent de se poser les bonnes questions : mon actif de marque est-il projetable dans le Web3 ? Comment proposer une expérience cohérente par rapport à l’ensemble des canaux et des points de contacts déjà activés par ma marque ? Ou encore, est-il possible de se projeter de manière responsable dans cet univers, pour ne pas trahir les engagements de marque déjà pris par ailleurs en matière de RSE ?
Pour autant, il semble qu’il sera bientôt plus risqué pour une marque de rester à l’écart du Web3 que d’investir cet espace - de façon réfléchie et responsable, et en étant bien accompagné, cela va de soi ! L’expérimentation et l’exploration sont encore permis, et les possibilités nombreuses, avec pour objectif de ne pas juste investir une plateforme, mais d’y proposer de vraies expériences et des contenus en cohérence avec la stratégie de marque.
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