Javier Pascual Del Olmo (Condé Nast France) : « nous pensons déjà à 2021 »

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Président de Condé Nast France (Vogue, Vanity Fair, GQ, AD…) depuis décembre dernier, Javier Pascual Del Olmo raconte à CB News son arrivée dans l’Hexagone marquée par des crises successives jusqu’au point culminant de la crise sanitaire. Il détaille ses constats sur le marché français, ses ambitions et ses chantiers à venir. Interview exclusive.

Vous avez rejoint le groupe Condé Nast il y a 20 ans où vous avez dirigé sa filiale espagnole, tout en supervisant les développements du groupe sur les marchés mexicains et d’Amérique latine. Quelle image aviez-vous de notre marché avant votre arrivée ?

Je voulais d’abord préciser que mon arrivée ici s’opère dans le cadre d’une réorganisation plus globale de Condé Nast au niveau mondial en un véritable groupe « unifié ». Nous sommes présents dans 26 pays, je le rappelle. Pour répondre plus précisément à votre question, la France est un marché où la concurrence entre les titres est très forte. Mais il faut le dire, les problèmes que peut rencontrer la presse dans l’Hexagone ne sont pas spécifiquement français. Si l’on prend l’exemple de la distribution, sachez que ceux-ci sont partout présents, que ce soit en Espagne, au Portugal ou encore aux Etats-Unis.

Rétrospectivement, on peut se dire que votre arrivée en décembre 2019 vous a directement confrontés à pas mal de problèmes…

En effet, mon arrivée a été un peu compliquée, entre la crise des Gilets Jaunes, les grèves et maintenant le coronavirus (sourire). Mais la France est un marché très particulier pour le groupe Condé Nast. Nous y avons beaucoup de titres par rapport à d’autres pays et une grande audience. C’est un pays également très stratégique pour nous puisque nos principaux annonceurs, tels que Hermès, Chanel, Richemont ou encore L’Oréal, y ont leur base.

Comment avez-vous traversé cette crise sanitaire majeure depuis mi-mars ?

Nos audiences numériques ont progressé de façon spectaculaire depuis le début de l’année : +44% de visiteurs uniques sur la période janvier-mai 2020 vs 2019 (source Google Analytics). Pour Vogue cette hausse a été de +65%, pour GQ de +46%, pour Vanity Fair de +19% ou encore de +155% pour AD. Nous avons ainsi pu constater une hausse de +55% de visiteurs « fidèles », c’est à dire ceux qui sont venus sur nos sites quatre fois et plus par mois. De même, les audiences sociales ont été marquées par de plus en plus d’engagements pour nos marques : +50% de partages de nos contenus sur Facebook, +12,5% d’interactions sur Instagram entre janvier-mai 2020 vs janvier-mai 2019.

Vous avez également vu vos magazines de plus en plus téléchargés…

Oui, nous avons proposé à nos lecteurs le téléchargement gratuit de nos titres en cours de vente pendant cette période. Ce qui s’est traduit par plus de 150 000 téléchargements, tous titres confondus. Nous avons également mis en place des offres d’abonnements que nous souhaitions attractives à partir du mois de mars. Cela nous a permis de multiplier par deux le nombre de souscriptions d’abonnements à nos magazines. La période nous a en outre permis d’innover éditorialement avec la publication quotidienne et gratuite du « Journal de la quarantaine » par les équipes de Vanity Fair, ou encore la sortie de numéros spéciaux comme ceux dédiés à l’ancienne ministre Christine Taubira ou encore le Festival de Cannes. Pour ne citer qu’eux.

Et commercialement…

Nous avons lancé l’offre « Engage for business », car nous avons identifié que nos audiences sont d’ores et déjà dans une logique de reprise de la consommation. C’est la première offre digitale Condé Nast multi-marques (Vogue, Vanity Fair, AD et GQ) et multi-touch points qui répond aux besoins drive-to-business des marques. Nous revendiquons toucher 1,6 millions de shoppers avec cette nouvelle offre.

Justement, la période de crise a-t-elle révélé les forces et les faiblesses de Condé Nast en France ?

La crise du coronavirus a clairement fait bouger les choses. Elle n’apporte rien de nouveau. Elle nous incite juste à aller encore plus vite. Le numérique, avec cette crise, est devenu une évidence pour tout le monde. Mais, j’insiste, rien n’est arrivé qui n’était pas planifié chez nous. Nous sommes prêts, car il y aura de nouvelles opportunités pour le groupe Condé Nast qui fait des contenus de qualité. Nous avons l’expérience de cela, pour nous et nos contenus éditoriaux, mais aussi service des marques.

Quels sont vos chantiers prioritaires ?

Même si mes prédécesseurs y ont déjà beaucoup travaillé, je pense que l’on doit aller encore plus vite et plus loin dans le processus de digitalisation. Même s’il faut être parallèlement attentif au fait que la France est dans une situation où le print de nos titres fonctionne encore bien. Nous allons notamment, dans les prochains mois, accélérer nos projets de mise en place d’offres d’abonnements numériques où notre marge de progression est extrêmement importante. Sans bien évidemment oublier les kiosques qui sont absolument fondamentaux pour nous. Nous comptons bien évidemment aussi beaucoup sur le développement encore plus poussé de la vidéo. Nous nous appuyons à cet égard sur notre structure mondiale Condé Nast Entertainment qui nous apporte son soutien technique. Et puis, en tant que groupe responsable, nous travaillons beaucoup à la feuille de route qui nous a été fixée, d’atteindre la neutralité carbone d’ici 5 ans. Un sujet que je connais bien pour en avoir été l’initiateur et moteur en Espagne.

Le groupe Condé Nast vient de rebaptiser ses cellules créatives pour les annonceurs en une marque ombrelle disponible dans chaque pays où vous être présents : CNX.

Avec ce nouveau réseau, nous ambitionnons de pouvoir comparer les expériences de chacun, de Shanghai à New York, de Tokyo à Paris, de Londres à Rome… L’idée est d’apprendre de tous, même si chaque CNX travaillera de façon indépendante pour ses clients. Cela nous permet aussi de reproduire ou d’inventer selon la volonté de nos annonceurs mondiaux. C’est CNX France qui a par exemple initié la sortie et inventer le business-model de notre magazine Give sous la houlette de Sarah Herz, sa directrice. Nous réfléchissons au déploiement de cette marque ailleurs que dans l’Hexagone. En attendant, le numéro 3 de Give devrait sortir en France à la rentrée sur le thème de l’Environnement.

Le groupe a décidé de cesser la parution print de Glamour et de mettre fin à son site internet en France, tout en se séparant de ses collaborateurs. Où en est cette procédure ?

Elle a effectivement été lancée avant mon arrivée. Une décision de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) est attendue pour la 1ère semaine de juillet. Je ne peux pas vous en dire plus.

Avez-vous des projets de titres en France ?

Je ne peux pour l’heure pas développer le sujet non plus, mais ce que je peux vous dire c’est que nous travaillons effectivement à la sortie de titres pour 2021. Les projets seront plus particulièrement numériques, mais avec un volet print. Notre réflexion porte sur des thématiques telles que le Food et la Technologie.

Au final, l’année 2020 est à oublier ?

Pour notre régie et nos audiences, le premier trimestre était très bien… jusqu’à mi-mars. Même si nos audiences ont explosé sur le web, la logique de l’annonceur a été de se dire que, certes, l’audience est importante, mais que les internautes n’ont pas eu la tête aux marques et à leurs messages. Pour 2020, suis-je pessimiste ? Non, pas pessimiste, réaliste ! 2020 sera une très mauvaise année aussi bien en print qu’en digital. Donc, nous pensons déjà à 2021 !

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