David Aït-Ali (Rébellion) : « gérer l’incertitude, cela se fait mieux quand on a des certitudes »

Rébellion

De gauche à droite : David Aït-Ali et Nicolas Boccaccio 

Directeurs associés de l’agence Rébellion, Nicolas Boccaccio et David Aït-Ali répondent aujourd’hui aux questions de CB News alors que la période de confinement se poursuit et que les professionnels de la publicité, de la création, du marketing, des médias, de l’audio ou encore de la high-tech s’interrogent sur comment vivre avec cette crise et, surtout, comment en sortir.  

6ème semaine de confinement et de télétravail… Après la mise en place d’une nouvelle organisation, y-a-t-il eu des ajustements, des manques, des innovations en la matière. Tout est-il rose dans ce nouveau mode de travail ?

Nicolas Boccaccio : Le contexte a brutalement changé mais nos outils et notre fonctionnement sont restés les mêmes. Le télétravail fait partie de l’ADN de l’agence depuis sa création, il y a presque 4 ans. Slack et les documents partagés permettent une grande flexibilité. Seuls les tournages sont désormais impossibles mais nous continuons à proposer de nouveaux contenus à nos clients (podcast, animations, réutilisation des assets…). Nous avons même respecté notre calendrier pour la mise en place du nouveau CRM de l’agence (Furious) qui nous permet de piloter les équipes, leurs plannings et les projets de manière très agile. Cela aura été un accélérateur de process.

La seule et vraie difficulté c’est de recréer de la proximité entre chacun de nous afin de permettre à tout le monde de rester en contact avec l’ensemble des équipes de l’agence. Pour cela nous avons créé des petits rituels qui rythment notre quotidien et nous prenons le temps d’appeler les équipes le plus régulièrement possible, juste pour prendre des nouvelles, leur demander comment ils vivent cette situation et nous assurer que leur moral est bon.

David Aït-Ali : Tout n’est évidemment pas rose, mais les équipes se sont adaptées de manière remarquable. Dans cette période anxiogène elles ont réussi à prendre de nouvelles habitudes extrêmement rapidement, avec une surcharge de travail importante durant les deux premières semaines puisque toutes nos stratégies de communication étaient à revoir en un temps très court. C’était un sacré challenge et ils l’ont relevé avec talent ! Des ajustements, on en fait toutes les semaines Cette configuration inédite nous oblige à respecter encore plus nos process. C’est dans un environnement bousculé qu’ils prennent d’ailleurs tout leur sens et se révèlent d’autant plus utiles. Après, la 6ème semaine commence, ce n’est facile pour personne.  Il faut donc rester vigilant car à distance c’est toujours plus difficile de percevoir l’état des équipes, surtout dans une structure comme la nôtre où on a l’habitude de voir tout le monde tous les jours.

Quelle sont les urgences de vos clients ? Que vous demandent-ils ? Quelles sont vos préconisations ?

NB : Justement, l’urgence est désormais passée et c’est une bonne chose. Lorsque tout s’est arrêté, nos clients ne savaient pas ce dont ils avaient besoin, aucune action n’était possible. Aujourd’hui nous réfléchissons ensemble sur le long terme. Nous essayons d’apporter du sens et d’imaginer comment interpréter les discours de marque, les faire évoluer, accélérer la mise en exergue de valeurs fortes qui créent un lien un durable entre une marque et ses publics. Nous essayons de comprendre et d’anticiper la manière dont les messages vont être perçus par leurs cibles, ce qu’ils attendent en ces temps nouveaux. Et concrètement, face aux incertitudes de la situation, nous essayons de leur apporter pragmatisme et conseil pour leur proposer des solutions innovantes qui remplacent, par exemple, un important événement de lancement de produit ou une campagne basée sur un shooting sur la plage… irréalistes aujourd’hui !

DAA : Je pense en effet qu’il faut distinguer deux choses importantes suite à cette crise sanitaire. Ce qui est certain et ce qui ne l’est pas. Ce qui est incertain c’est comment les consommateurs vont réagir à la sortie du confinement. On lit beaucoup de choses et ce sera surement un peu de tout cela. Ce qui est certain par contre c’est que la crise économique est là et qu’elle risque de durer. C’est donc le moment de trouver des solutions. Car nos clients n’auront plus les mêmes budgets, c’est certain. Notre mission est donc de les accompagner pour faire différemment et nous misons sur notre capacité à nous adapter, à les écouter, qui a toujours été une des forces de l’agence. Notre méthode de travail et le profil de Rébellion répondent parfaitement à ces nouveaux enjeux. Nous commençons déjà à organiser des ateliers avec eux grâce à notre méthodologie propriétaire pour les aider à gérer cette nouvelle donne. Paradoxalement gérer l’incertitude, cela se fait mieux quand on a des certitudes. Et nous en avons.

Mesurez-vous d’ores et déjà l’impact financier de cette crise ?

NB : Nous sommes privilégiés. L’agence a presque 4 ans et une croissance forte qui à ce jour n’est pas freinée et nous permet donc de continuer à investir dans de nouveaux talents. Ce constat est lié à notre double activité, publicitaire d’un côté et création de contenu de l’autre. Si aujourd’hui l’activité de création de campagne est en baisse, la création de contenu elle a plus que doublé. Nous avons par ailleurs la chance de pouvoir nous appuyer sur des clients qui soutiennent volontairement notre activité et favorisent le paiement immédiat des factures, les aides de l’état, au cas où, ainsi qu’aux précieux conseils que nous fournit l’AACC pour traverser au mieux cette période.

DAA : Notre croissance est effectivement notre meilleur bouclier contre cette crise. Notre forte appétence pour le social media sera certainement aussi un avantage. Aujourd’hui nous continuons à recevoir des briefs mais c’est évidemment sur la longueur que nous verrons quel sera l’impact. On peut demander aux annonceurs de nous soutenir, mais si la récession est là, nous aurons à trouver des solutions avec eux. Nos futurs workshops sont d’ailleurs sur ce thème de la frugalité, car en bons partisans de la co-construction, nous pensons que ce n’est pas tous seuls dans notre coin que nous allons régler le problème…. Même si on a déjà quelques idées sur la question, évidemment.

Y aura-t-il un avant et un après coronavirus pour votre agence ? Pour le secteur de la publicité ?

DAA : Demander au consommateur de penser une certaine forme de décroissance, de frugalité dans son mode vie et ne pas anticiper que nous aussi, agences, nous devrons faire de même nous semble assez irréaliste et surtout peu cohérent. Le secteur est en constante mutation. Bien évidemment les crises accélèrent toujours les choses. Après la crise de 29, aux États Unis, une des industries les plus performantes fût les théâtres de Broadway. Les gens avaient besoin de s’aérer l’esprit. Si la publicité veut toucher le public dans les mois à venir elle devra être encore plus divertissante, donc encore plus créative. Cela ne peut pas être une mauvaise nouvelle, non ?

NB : Nous avons beaucoup échangé entre associés sur ces sujets et quel devait être le positionnement de l’agence en sortie de crise. Les annonceurs attendent de l’agilité et du pragmatisme financier. Comment faire plus avec moins ? La transformation du « modèle agence » qui était déjà en cours n’en est finalement qu’accélérée. Notre triple dimension conseil, création et production se révèle encore plus efficace. Nous sommes capables de co-construire très vite, avec nos clients, les nouveaux contenus qui leur permettent de prendre la parole immédiatement, pas dans 15 jours. Par ailleurs, le lien fort qui se tisse actuellement entre nos clients et les équipes de l’agence qui travaillent main dans la main au quotidien, et dans les mêmes conditions, est un véritable atout pour l’avenir. 

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