Jean-Charles Sibylle (Azilis) : « les clients sont très demandeurs de conseils »
Résilience nationale ... Nous sommes dans la troisième semaine de confinement. CB News, comme vous, a intégré une certaine forme d'endurance. Nous continuons notre série débutée mardi 17 mars. Saison 3 avec les témoignages de Jean-Charles Sibylle, co-fondateur de l’agence de communication Azilis.
Le confinement s'est généralisé ...Comment faîtes-vous face avec l'agence ?
Nous avons très rapidement mis en œuvre une stratégie d’accompagnement du changement, qui repose sur l’adaptation de notre communication et de nos méthodes de travail, mais aussi sur la gestion de nos émotions. C’est essentiel pour garantir la continuité de l’activité dans la cohésion et la clairvoyance. Les visio sont épuisantes, avec une capacité de concentration amoindrie. Nous réduisons donc au maximum les réunions virtuelles et les sessions d’idéation collectives. Priorité au travail individuel, ou en comité restreint, avec une mise en commun très séquencée.
Parallèlement, nous faisons de notre mieux pour communiquer en interne et en externe de manière factuelle, avec beaucoup de clarté et un discours plus fréquent sur les valeurs. Le travail à distance et le recours accru à la communication écrite dans un contexte tendu peuvent en effet laisser une place trop importante à l’interprétation. Enfin, au-delà de la gestion des clients et des projets, les managers de l’agence accompagnent chaque membre de leur équipe dans la gestion de leurs émotions, avec de l’écoute, de la proximité – même à distance. Cela peut sembler étonnant, car l’émotion dans l’entreprise et le management est un sujet encore peu investi. Le bénéfice est pourtant énorme dans cette période très déstabilisante : pas de sur-réaction et une démarche collective très volontaire, solidaire et constructive.
Comment réagissent vos clients ? Quels sont vos principales préconisations pour les créations/travaux en cours ?
Pour rester dans le registre très révélateur des émotions, nos clients sortent tout juste de la sidération. Ils ressentent maintenant une peur et une colère légitimes face à l’épidémie et ses conséquences – dont l’effondrement de leur activité économique pour certains. Il est compliqué pour l’instant d’affronter et de canaliser ces sentiments étant donné l’ampleur de la crise actuelle et l’incertitude totale quant à son impact réel et sa durée.
Dans ce contexte, les clients sont très demandeurs de conseils. Nous les accompagnons au mieux, tentons de sauvegarder les campagnes qui ont encore du sens et de recommander des actions en réaction à leur actualité. Mais force est de constater que l’heure est au repli budgétaire. Le manque de visibilité fait que la majeure partie de nos clients annule ou reporte l’ensemble des projets en cours, à l’exception des actions indispensables et des projets long terme.
Ceci dit, nous sommes optimistes et avons envie de croire qu’il ne faudra pas attendre trop longtemps pour que les moins impactés et les plus audacieux de nos clients se remettent à communiquer. Cela sera indispensable pour ne pas perdre en notoriété et permettre la reprise économique.
Concernant l'impact financier de cette crise inédite, en mesurez-vous les conséquences ?
Difficile de répondre à cette question. L’impact financier pour notre agence et notre secteur dépend directement de la date de fin du confinement et de la rapidité de la reprise économique. Il y a de nombreux scénarii… L’hypothèse la plus optimiste serait une reprise au dernier trimestre avec un phénomène de rattrapage. Dans ce cas nous pourrions tabler sur une perte de CA de l’ordre de 40% sur 2020. Le scénario catastrophe d’une crise sanitaire et économique entrainant une récession longue, remettrait en question la survie de l’agence.
Nous espérons sincèrement que ni l’une ni l’autre de ces hypothèses ne s’avèrera juste, car une reprise trop rapide amputerait sans doute la nécessité de se réinventer en profondeur pour permettre l’avènement d’un système plus responsable.
Au-delà de la sortie de crise, l’impact financier sur notre structure dépendra aussi des besoins qui émergent chez nos clients dans les semaines à venir et de notre capacité à être proactif. Dans l’immédiat, nous avons mis sur pied une solution pour organiser des évènements dématérialisés en remplacement des évènements physiques. Cela sera utile si le confinement perdure, et sans doute au-delà, puisque la dématérialisation accélérée des modes de vie va nécessairement changer la physionomie des évènements de demain.
Comment pouvez-vous être "utile" à la société en ce moment ?
Les agences de communication ont toutes un rôle à jouer. Nous avons des équipes pluridisciplinaires, qui savent décrypter les signaux faibles, proposer des idées audacieuses et leur donner vie rapidement. C’est utile dans un monde qui se réinvente.
Pour ce qui est de notre approche spécifique du métier, nous allons continuer à remplir notre mission : révéler la singularité des individus et des organisations, afin de libérer le potentiel de chacun. C’est le moment ou jamais de sortir du conformisme, de faire valoir ses idées, de défendre ses convictions profondes et d’apporter sa valeur ajoutée au monde.