Le CSA dans une logique de responsabilisation et de supervision

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(© thierry Wojciak/CB News)

« On ne régule bien que ce que l’on connait bien ». Un peu plus de 5 mois après sa nomination à la tête du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), Roch-Olivier Maistre passait mercredi son grand oral, lors du traditionnel déjeuner de l’Association des journalistes médias (AJM). L’Énarque en a vu d’autres, certes, mais il a passé en revue les questions qui taraudent le marché, rappelant tout de même que le CSA « ce n’est pas Big Brother, mais une autorité qui agit sous le contrôle des juges ». Et notamment du Conseil d’État qui ne s’était pas forcément montré très tendre avec son prédécesseur Olivier Schrameck. Souhaitant travailler dans une logique de « responsabilisation, mais aussi de supervision », M. Maistre veut engager un « dialogue permanent » avec les plateformes, objets de bien des ressentiments depuis des mois. Au moment où se discute le projet de loi de la député LREM Laetitia Avia sur les propos haineux en ligne, le président du CSA souligne qu’à la fois « l’opinion publique pousse » à des solutions et que les plateformes « bougent » sur le sujet. Il concède au passage qu’il s’attendait à « beaucoup de réticences » de leur part alors qu’il les a trouvées plutôt « coopératives et prenant en compte les spécificités françaises ». Si le projet de loi donnait au final quitus au CSA pour infliger des amendes aux plateformes récalcitrantes, qui pourraient aller jusqu’à 4% de leur chiffre d’affaires, Roch-Olivier Maistre se veut quand même diplomate : « l’amende est dissuasive, le but n’est pas de l’utiliser ». Quant à la responsabilité des plateformes sur leurs contenus, elles qui se considèrent comme hébergeur et non pas éditeur, le patron du CSA verrait d’un bon œil pour elles un « tiers statut, entre hébergeur et éditeur ».

Plutôt un service commun entre le CSA et l’ARCEP

Si les contours de la future loi sur l’audiovisuel sont pour l’heure bien flous, Roch-Olivier Maistre ne s’est pas fait prier pour lancer quelques pistes de travail. Ainsi, le rapprochement entre le CSA et l’HADOPI a selon lui « du sens, s’il cela s’accompagne de nouvelles dispositions contre le piratage ». De même, il se dit « réservé » sur une fusion du CSA avec l’ARCEP. « En Grande-Bretagne, la fusion entre nos homologues a pris 4 ans. Une telle fusion en France se résumerait à un vaste chantier administratif », soupire-t-il. Le président du CSA prône plutôt la création d’un service commun entre les deux institutions. « Nous essayons déjà de dessiner ensemble ce que cela pourrait être, nous y travaillons », souligne-t-il.

Pub adressée : difficile d’en priver les acteurs de la TV

Le dossier « Pub » est lui aussi en suspens. Si les acteurs de l’audiovisuel plaident depuis des mois (des années) pour des changements notables, s’appuyant notamment sur le rapport parlementaire d’octobre dernier, porté par la députée LREM Aurore Bergé, M. Maistre se veut pragmatique : « s’il y a une réglementation, il y a une raison ». Car pour lui le marché publicitaire est « fragile, vite concurrencé » alors que c’est un « point central » pour la PQR ou la radio. Mais « je pense qu’il faut faire bouger », indique-t-il, « les acteurs de l’audiovisuel ont besoin d’oxygène ». À chaque sujet, suffit sa peine avec la mise en place systématique d’études d’impact ou encore de période d’expérimentations, mais pour lui « il sera difficile de priver les acteurs de la TV de la publicité adressée » qu’ils appellent de leurs vœux. De même, il y aura « des précautions à prendre » concernant la publicité pour le cinéma et que concernant la promotion à la TV, Roch-Olivier Maistre se veut « prudent ».

Présidence de l’audiovisuel public : les 3 scénarii

Autre morceau de choix et ô combien politique, la nomination des présidents de l’audiovisuel public par le CSA. S’il semble se dessiner le fait que dans la future loi sur l’audiovisuel, ses présidents soient nommés par les conseils d’administration de chacune des entreprises, Roch-Olivier Maistre plaide en tout état de cause pour de la continuité : « ce serait bien que l’on choisisse un modèle de décision qui se tienne dans le temps ». Et de liste les différents scénarii possibles. Exit une nomination par l’exécutif qui serait « totalement incompréhensible pour l’opinion ». La nomination par le CSA a quant à elle « l’avantage » d’être effectuée par une autorité indépendante, mais « l’inconvénient » de mettre le CSA en position de « juge et partie ». 3ème possibilité, une nomination par les administrateurs des sociétés audiovisuelles publiques, qui serait « un signe de maturité », mais qui impose également la nomination « inattaquable » des dits administrateurs. Se pose d’ailleurs le problème du groupe France Télévisions dont sa présidente Delphine Ernotte-Cunci verra son mandat s’achever en 2020. Et compte tenu du calendrier fixé par le Premier ministre Edouard Philippe, le président du CSA « ne voit pas comment » la loi audiovisuelle sera promulguée avant le processus de renouvellement de la présidence du groupe public. Le CSA, en l’état, devrait donc procéder à la reconduction de Mme Ernotte-Cunci ou à une nouvelle nomination pour un mandat de 5 ans, alors que la loi changerait et les modes de nominations également. Un imbroglio qui embarrasse l’exécutif. Celui-ci chercherait, selon certaines informations de presse, à le contourner en permettant à l’actuelle titulaire du poste d’opérer une période de tuilage entre les deux étapes. Voire plus.

Bouclage du rachat de chaines TV de Lagardère par M6

Alors que le groupe Canal+ a officiellement annoncé mardi son plan de près de 500 départs volontaires en France, le président du CSA souligne « que l’on ne peut se désintéresser du sort de Canal+ ». Et de rappeler que la transposition de la directive SMA imposerait aux plateformes, type Netflix et autres Amazon Prime Video, d’investir dans les productions locales. Selon lui, cela permettra de « construire une équité fiscale, ce qui n’est pas le cas actuellement ».

Roch-Olivier Maistre a enfin indiqué que la procédure de contrôle du rachat de certaines chaines TV du groupe Lagardère (Gulli, Canal J, Tiji, Elle Girl TV, MCM, RFM TV et MCM Pop) par le groupe M6 était « achevée ». Si l’autorisation de la fréquence de Gulli vient d’être reconduite, l’opération de changement de capital devrait avoir lieu « mercredi prochain » et le processus être ainsi « bouclé », annonce-t-il.  

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