Gafa : la taxe de la discorde entre la France et les USA
Washington a rejeté mardi toute taxation visant les géants de l'internet ou un secteur en particulier, s'attirant une vive réaction de la France, qui vient de présenter un projet de loi en ce sens, mais aussi de la Commission européenne. "Nous pensons que toute la base théorique des taxes sur les services numériques est mal conçue et que le résultat est extrêmement discriminatoire à l'égard des multinationales basées aux Etats-Unis", a déclaré mardi à Paris le responsable du Trésor et délégué américain pour les discussions fiscales internationales. Les Etats-Unis "étudient si cet impact discriminatoire nous donnerait le droit (de contester) en vertu des accords commerciaux et traités OMC" (Organisation mondiale du commerce), a également menacé l'émissaire américain avant des discussions au siège de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). La France "est un Etat libre et souverain qui décide de sa taxation et qui la décide librement et souverainement", a aussitôt réagi le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire. Il a ajouté ne pas craindre de mesures de rétorsion de la part de Washington. Le ministre français a reçu le soutien du commissaire européen aux Affaires économiques Pierre Moscovici, qui a jugé que "la France et d'autres pays sont parfaitement fondés à décider d'une taxation nationale sur l'activité numérique". M. Moscovici a déploré mardi "l'attitude agressive" des Etats-Unis dans ce dossier.
M. Le Maire a présenté la semaine dernière un projet de loi pour taxer les multinationales du numérique, dont le taux moyen d'imposition en Europe n'est que de 9%, contre 23% pour les sociétés tous secteurs confondus. Comme les bénéfices sont facilement transférables vers les pays où ils sont moins taxés, comme l'Irlande, l'idée retenue est d'imposer les entreprises à hauteur de 3% du chiffre d'affaires réalisé en France. Seules les sociétés réalisant plus de 25 millions d'euros de chiffre d'affaires en France et plus de 750 millions d'euros au niveau mondial sont concernées, ce qui exclut les entreprises françaises à quelques exceptions près. Cette taxe au niveau national doit être appliquée sur l'activité de Google, Amazon et autres Facebook en France à partir du 1er janvier 2019, les efforts pour parvenir à une taxe européenne ayant été formellement suspendus mardi par les ministres des Finances des 28 réunis à Bruxelles, en raison de l'opposition de quatre d'entre eux (Irlande, Danemark, Suède et Finlande).
UK, Espagne et Italie dans les starting-blocks...
De leur côté, le Royaume-Uni, l'Espagne et l'Italie ont également des projets visant à taxer les services numériques, par essence dématérialisés et qui échappent donc plus facilement à l'impôt que les activités traditionnelles. M. Moscovici a indiqué que le projet européen pourrait être remis sur la table l'an prochain si aucun accord n'est trouvé à l'OCDE d'ici la fin 2019. Pour agir dans ce cadre, M. Le Maire avait obtenu fin février le soutien du secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin, qui avait dit espérer "pouvoir régler ce problème ensemble cette année". M. Mnuchin s'était déclaré opposé au projet français de taxe sur chiffre d'affaires, tout en se félicitant de "l'intention française de l'abroger si un accord mondial était trouvé au sein de l'OCDE". Les Etats-Unis soutiennent en revanche le principe d'une taxe minimale sur toutes les entreprises, une idée que le ministre français de l'Economie a aussi promis de défendre dans le cadre du G7 Finances.
"Nous comprenons qu'il existe des pressions politiques dans le monde entier pour taxer plus lourdement diverses entreprises internationales et nous sommes convenus que cela était approprié", a déclaré mardi M. Harter. "Mais nous pensons que cela devrait être fait sur une base plus large que la sélection d'un secteur particulier", a-t-il ajouté. Les géants de l'internet sont pour l'essentiel américains et chinois, et l'Europe ne compte que peu d'acteurs de premier plan dans ce secteur. Au-delà des "Gafa", le problème des transferts de bénéfices vers les pays à faible imposition concerne tous les secteurs économiques. Les Etats-Unis ont adopté une réforme fiscale pour inciter les grands groupes à rapatrier à moindre coût fiscal leurs bénéfices réalisés à l'étranger, tout en diminuant l'impôt sur les sociétés.