SFR Presse revoit son modèle
En présentant jeudi la nouvelle version de son kiosque numérique SFR Presse, le président-directeur général d’Altice France (L’Express, Libération, A Nous Paris, 01net…) Alain Weill l’affirme : « il nous faut prendre le taureau par les cornes, ne pas être dans le déni. Il y aura bientôt plus de lecteurs de la presse sur smartphone que sur le print, nous en sommes convaincus ». C’est tout le sens de la sortie « courant juillet » de la nouvelle version SFR Presse avec un mode de lecture plus fluide, des vidéos et des contenus premium par les éditeurs de journaux, moyennant un abonnement. « Nous avons voulu inventer la plateforme d’info de demain », explique ainsi Guillaume Monteux, président-directeur général de miLibris, spécialiste de la publication numérique acquise l'an dernier par Altice, maison-mère de SFR, et maitre d’œuvre de la nouvelle mouture de l’appli qui revendique 200 000 téléchargements par jour et plus de 77 millions de titres depuis son lancement. L’enjeu, pour lui, est que SFR Presse devienne un « carrefour qui serait plus qu’un téléchargement du jour pour un titre ». Ainsi, au lieu d'avoir à télécharger un par un les fichiers PDF des journaux et de cliquer pour lire des articles et naviguer d'un journal à l'autre, les utilisateurs pourront-ils désormais recevoir automatiquement des flux d'information des médias qu'ils souhaitent suivre. Ils auront accès dans certains cas à l'intégralité des articles de la version papier, désormais sous une forme plus pratique, les articles étant automatiquement préchargés et extraits des PDF, ou à des flux d'articles et de vidéos conçus par certains éditeurs en temps réel, soit exclusifs soit normalement réservés aux abonnés en ligne de ces médias. Les utilisateurs pourront également avoir accès à d’autres articles sur le même thème à partir de celui qu’ils sont en train de lire et même constituer leur service thématique pour que chacun puisse faire sa timeline. « Nous travaillons également sur de nouveaux schémas d’engagement des lecteurs autre que le simple like », explique le PDG de miLibris.
Une rémunération forfaitaire des éditeurs
« Il n’y aura rien de gratuit sur la plateforme », insiste M. Monteux. Ce nouveau kiosque sera proposé à 5 euros par mois aux clients de SFR (mobile ou fixe) et 10 euros pour les non-clients. Les clients de SFR qui bénéficiaient gratuitement du kiosque dans leur abonnement le conserveront mais avec de la publicité vidéo gérée par Teads, également propriété d’Altice. Une cinquantaine de médias participeront au lancement du nouveau SFR Presse, dont la plupart des partenaires actuels (Le Parisien, L'Equipe, Le Figaro, Paris Match, Libération, le JDD...). Manquent principalement à l'offre Les Echos et Le Monde. La PQR sera quant à elle intégrée « très vite ». Grégory Rabuel, directeur exécutif des activités télécoms de SFR, indique viser « plusieurs centaines de milliers de clients payants d'ici 3 ans », qui s'ajouteront aux 350 000 clients de SFR qui l'utilisaient grâce à leur abonnement. Côté rémunération des éditeurs, Alain Weill annonce un changement de modèle avec une « rémunération fixe forfaitaire » négocié. Un système qui les « rassurent », souligne-t-il, et qui devrait également leur permettre d’engranger des revenus « significatifs » par rapport au précédent modèle. Avec l’ambition d’avoir les principaux titres français dans son kiosque, le groupe Altice n’ambitionnerait-il pas de devenir le Presstalis du numérique ? Les ennuis en moins.
Et Libération dans tout ça…
« Aujourd’hui, notre modèle d’accès à la presse est prioritairement digital avec une équipe qui continue à produire parallèlement une version print. Le papier devient complémentaire et nous n’avons aucun projet de suppression de celui-ci ». Le projet SFR Presse s'inscrit donc dans la stratégie d'Altice visant à compenser la chute des ventes en kiosque par les abonnements numériques. Après avoir cédé des magazines thématiques, Altice conserve Libération ainsi que L'Express, 01 Net et A Nous Paris. Tout en assurant qu'il est hors de question d'arrêter le papier, qui génère toujours les trois-quarts du chiffre d'affaires de Libération, le groupe réorganise ses rédactions pour concentrer ses efforts sur le numérique. "Nous pensons que l'avenir c'est le digital", estime Alain Weill, le patron d'Altice Europe. Dans ce cadre, Libération prépare une nouvelle offre numérique autour de 7-8 euros par mois. Pour qu'il revienne à l'équilibre, « il suffirait que 0,7% de nos visiteurs mensuels payent », soit 70.000 abonnés numériques, fait valoir Clément Delpirou, directeur des activités presse d’Altice Media France. Un pari qu'il juge possible, à l'heure où les plateformes payantes de musique ou vidéo fleurissent. Le site du journal va ainsi développer une transversales Food « fin juin » et une ou deux autres verticales à la fin de l’année : sur le débat d’idées et la sexualité. Le titre a recruté 10 personnes en 2017 (portant ses effectifs à 185 CDI). Altice veut doubler ses équipes de développeurs dédiés à la presse, avec 20 recrutements cette année.