Le marketing ésotérique du luxe a trouvé sa bible
Audrey Kabla est une personne singulière. Son livre « Marque et Luxe » l’est également. Le titre est classique, l’ouvrage ne l’est pas. La couverture tout en dessins et en tâches de couleurs pastels vous suggère un livre de correspondance intime pour jeune fille, plus qu’un ouvrage de marketing. Les 3 parties « Elévation » « Révélation » « Célébration » traduisent les phases de l’amour de l’aveu même de son auteure car c’est bien d’amour qu’il s’agit entre une personne et une marque de luxe qu’elle s’est choisie.
Toute rencontre avec le luxe est individuelle, irrationnelle, affective, est source de bien être spirituel …et le livre que l’auteure veut « ouvert », « tolérant », est sans citation de marques ni visuels de pub pour « libérer le lecteur » et lui permettre d’atteindre cette plénitude.
Les citations de marques sont remplacées par des citations culturelles ( Platon est invité au banquet avec une très belle phrase en contre point de la pyramide de Maslow « Ce qu’on n’a pas, ce qu’on n’est pas, ce dont on manque, voilà l’objet du désir »), par des citations réelles ( tout le monde y passe) ou transformées pour forger un code de ( jeu de) mots qui doit plaire aux Millennials que l’auteure avoue cibler en priorité. La quête du luxe étant pour chacun une quête de soi.
Les visuels de pub, de flacons, de design des livres sur le luxe sont remplacés quant à eux par des « œuvres » (dessins, esquisses peintures et quelques photos) , réalisés par 53 « élus » ( dont 50 « sages » ) logés aux quatre coins du monde qui témoignent de cette quête individuelle, volontiers philosophique du luxe.
Audrey Kabla va au fond de son chemin personnel, elle s’est convertie au Yoga pendant l’écriture du livre ( « qu’elle a écrit en mouvement » dit elle) et fait partager son expérience. Plus encore, sa quête du luxe se colore des mots du yoga , et elle invente une nouvelle phénoménologie du luxe : elle parle de Yuxa ( contraction de Luxe et de Yoga) , et ses shades sont les « shakras colorés » du luxe, les point de contacts expérientiels des marques. On va loin.
Derrière ce langage ésotérique et parfois un peu horripilant ( je ne suis pas foncièrement Millennial : nldr) , se cachent des réflexions profondes sur l’appréhension du luxe : l’auteur est professeur en stratégie des marques de luxe, et possède le bagage universitaire qui accompagne son magister.
De nombreuses lectrices (lecteurs ?) se reconnaitront sans doute dans ce livre, dans l’analyse de leur propre quête du luxe comme mode de vie.
Et si vous vous posez la question du nom de l’agence : Epykomène est dérivé du grec « epikomen » qui signifie « la prochaine étape », « le futur ». Il fut repris par les hébreux sous le terme « aphikomen », symbole de bonheur et de prospérité. A noter que dans la Rome antique, Epykomène désignait le dernier plat servi lors des festins : le dessert. Quand je vous dis qu’Audrey est singulière, son agence aussi.
Un livre clivant, inhabituel chez Kawa Editions qui nous a habitué à des ouvrages plus didactiques quand celui est plus marketing ésotérique. Peut être le luxe méritait-il cela pour atteindre les millennials futurs animateurs des maisons de luxe de demain.