France Télévisions, M6 et TF1 arrêtent Salto
Après des semaines d'incertitudes, la plateforme Salto, censée un temps être un "Netflix à la française", a vu son arrêt officialisé mercredi par les groupes France Télévisions, M6 et TF1, qui la détenaient à parts égales.
Les "groupes France Télévisions, M6 et TF1 annoncent leur décision d'arrêter la plateforme Salto", ont-ils indiqué dans un communiqué. Le mandataire judiciaire chargé de sa liquidation précisera "à bref délai le calendrier d'arrêt de la plateforme et des abonnements". Lancée en octobre 2020, la plateforme avait annoncé lundi sur sa page d'accueil qu'elle ne prenait plus de nouveaux abonnés, signe annonciateur de sa disparition imminente. "Une communication spécifique sera envoyée très prochainement aux abonnés de Salto pour les informer des conséquences sur leur abonnement en cours", ont poursuivi le groupe public et les deux groupes privés. Selon eux, Salto "rassemble à ce jour près d'un million d'abonnés". Cet arrêt n'est pas une surprise : l'avenir de la plateforme était compromis depuis des mois et l'échec fin septembre de la fusion entre TF1 et M6, auxquels France Télévisions devait revendre sa part pour boucler son budget. "Ce projet arrêté, les actionnaires de Salto ont jugé que les conditions n'étaient pas réunies pour la poursuite de Salto dans son actionnariat actuel", ont souligné France Télévisions, M6 et TF1.
Ils pointent "la gouvernance complexe et contrainte de cette alliance et (le) refus de la plupart des opérateurs fournisseurs d'accès à Internet de distribuer la plateforme à l'instar des plateformes américaines". Par ailleurs, "les marques d'intérêt reçues de plusieurs acteurs pour la reprise de Salto n'ont pu aboutir à une concrétisation", assurent-ils. "Les groupes France Télévisions, M6 et TF1 se sont engagés à faire leurs meilleurs efforts pour offrir de nouvelles opportunités aux collaborateurs de Salto" après leur licenciement économique collectif, poursuivent-ils.
Salto employait mi-janvier 42 personnes en CDI et 8 en CDD. L'abonnement coûtait 7,99 euros par mois (ou 5,80 euros mensuels pour un abonnement pris sur un an). En publiant leurs résultats annuels lundi et mardi, M6 et TF1 avaient indiqué que Salto leur avait coûté en 2022 quelque 46 millions d'euros chacun (en incluant les provisions de charges de liquidation). Au-delà de l'échec de la fusion TF1/M6, Salto a pâti d'une stratégie confuse et de multiples obstacles, dans un marché dominé par les géants américains comme Netflix, Disney+ ou Amazon Prime Video. Côté catalogue, la plateforme censée promouvoir le "rayonnement de la création audiovisuelle française et européenne" s'était distinguée par quelques jolies exclusivités venues tout droit... d'Amérique, avec notamment l'émission "Friends, les retrouvailles" ou la suite de "Sex and the city".
Elle proposait aussi beaucoup de rediffusions ou d'avant-premières de programmes produits par ses actionnaires, comme les feuilletons quotidiens de TF1 ("Ici tout commence", "Demain nous appartient") et France 2 ("Un si grand soleil"). Mais TF1, M6 et France Télévisions ont parallèlement développé leurs propres plateformes en ligne, qui ont concurrencé Salto en proposant gratuitement certains de ses programmes et en offrant de plus en plus d'avant-premières en ligne. De même, TF1 et M6 ont chacune lancé un service de streaming sur abonnement payant sans publicité, pour 2,99 euros par mois la première année, puis 3,99 euros par mois, moins cher que Salto. Cette dernière a en outre souffert d'un retard à l'allumage : alors qui avait été annoncé en 2018, il aura fallu plus d'un an pour que ce projet inédit réunissant chaînes privées et service public reçoive le feu vert de l'Autorité de la concurrence, le dossier étant passé entre les mains des autorités européennes. Le lancement, prévu au premier trimestre 2020, avait été repoussé à l'automne, donc après la montée en puissance de Netflix et l'arrivée de Disney+ pendant le confinement. Enfin, Salto pouvait difficilement rivaliser sur le plan des financements, avec 135 millions d'euros investis par ses actionnaires, loin des milliards déboursés par Netflix et consorts.