Publicité digitale : la curation, buzzword ou véritable levier de performance ?
Plus de 10 ans après l’explosion de la publicité programmatique, difficile de dire si notre marché va un jour résoudre ses paradoxes. Si les plateformes et les algorithmes ont réellement permis d’optimiser les dépenses publicitaires des annonceurs, cela s’est paradoxalement fait au détriment de la transparence des transactions. Ces dernières années, la croissance du marché a été extrêmement rapide, mais la complexité technologique et les tensions compétitives ont favorisé le développement d’une chaîne de valeur opaque et une fragmentation des acteurs, avec une multitude d’intermédiaires suffisamment experts pour acheter et revendre au mieux disant et capables de spéculer sur les impressions pub en temps réel. Le prix à payer de la croissance exponentielle a été un manque de lisibilité grandissant autour des transactions publicitaires. En ces temps de SPO, je mets au défis un annonceur de savoir par quelles mains sont réellementpassés ses investissements programmatiques de ces 10 derniers jours.
Les temps changent donc, et l’on est bien rentré dans une décennie de rationalisation et de transparence : l’industrie a plus que jamais besoin de fournir aux annonceurs et aux éditeurs le contrôle sur les données et les flux financiers. Cela passe par une vision claire et lisible des transactions, tout en permettant aux intermédiaires à valeur ajoutée d'innover et de créer de la performance pour les annonceurs. Le principe de “curation programmatique” répond exactement à ces défis.
La curation au service de l’offre… et de la demande
Les inventaires programmatiques ont explosé ces 10 dernières années, du fait de l’augmentation des usages et de l’ouverture de l’ensemble des inventaires au RTB grâce au header bidding. La liquidité est impressionnante, et même les meilleurs algorithmes d’achat ne répondent plus aux attentes des annonceurs en matière de qualité d’inventaire, d’activation de données et de transparence. C’est encore pire pour les éditeurs qui ont perdu l’accès direct à une partie significative des investissements publicitaires.
La curation est un moyen pour tout acteur (acheteur - vendeur - intermédiaires à valeur ajoutée) de mieux isoler les opportunités publicitaires pertinentes pour une campagne donnée et de les exposer à sa solution d’achat préférée. Impression par impression. Comme un commissaire d’exposition va piocher dans les réserves d’un musée pour présenter au public les œuvres les plus pertinentes, le curateur sélectionne les impressions publicitaires susceptibles de répondre au mieux aux attentes de l’annonceur en termes de qualité, de performance ou de chemin publicitaire.
Plutôt que d’acheter et revendre des inventaires, le curateur crée et optimise des packs d’inventaires multi-éditeurs sur la base de ses données et de son expertise, et les active au travers d’un deal ID. La curation répond ainsi au besoin d’efficacité opérationnelle et financière dont notre écosystème a cruellement besoin. Dans un contexte où, lassés par une complexité grandissante, les acheteurs médias sont de plus en plus exigeants en termes de contrôle et de transparence, les curateurs sont les intermédiaires à valeur ajoutée qui peuvent simplifier la publicité programmatique.
Du neuf avec du vieux
A y regarder de plus près, il y a toujours eu des curateurs sur le marché publicitaire. A commencer par les agences média, qui ont créé ce marché et continuent de se transformer pour fournir plus d’efficacité aux annonceurs. Mais je pense aussi aux ad networks, qui sont également pour beaucoup dans les améliorations de notre chaîne de valeur programmatique. Nombreux d’entre eux ont innové et développé les technologies permettant la création des premiers mécanismes de yield management, jusqu’à proposer de nouveaux business modèles et, pour certains, devenir les premiers trading desks voire même lancer leurs propres plateformes. Vous souvenez-vous de l’ad decisioning en cascade et autres systèmes de passback ? Ils ont finalement conduit au développement des normes toujours présentes dans notre marché programmatique actuel.
Dans un marché toujours plus difficile à naviguer et où les mécanismes d’achat/revente sont de moins en moins acceptés, les plateformes de curation offrent la solution idéale pour permettre à tous les intermédiaires, qu’ils soient experts du planning, fournisseurs de données, traders, etc. de s’appuyer sur l’infrastructure d’un SSP pour fournir de la performance aux annonceurs. Les plateformes sont d’ores et déjà dotées d'API programmatiques, d'intégrations directes avec les DSP et les DMP, et d'une solide infrastructure de qualité publicitaire pour protéger les acheteurs et les vendeurs. Elles offrent également les solutions d’analyses publicitaires propriétaires qui permettront aux partenaires “buy-side” d'optimiser leurs investissements.
Enfin elles sont évolutives et disposent d'infrastructures solides capables de stocker, de traiter et de protéger les données publicitaires : dans un monde ou la protection des données est devenue primordiale, la curation permet de créer et de monétiser des groupes d’audience tout en garantissant la sécurité des données maintenues en silo, qui ne nourrissent pas les algorithmes des plateformes d’achat.
Le potentiel de la curation
Je suis convaincu que les solutions de curation contribueront à développer une industrie publicitaire plus saine sur le long terme. Les infrastructures et l'expertise développées par les plateformes de curation vont ajouter de la valeur à la quantité considérable d’inventaires publicitaires disponibles sur les plateformes de monétisation programmatiques, et viendront prochainement se substituer à l’open auction pour mieux lutter contre la fraude, combattre l'opacité et la déperdition de valeur.
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