Grande consommation : le prix en tête avant tout
C'est un refrain dans la grande consommation. Le spectre de l'inflation permet une franchise sur le porte monnaie. "Depuis quelques semaines les Français anticipent des hausses de prix pour leur alimentation et la médiatisation sur le sujet des prix et du pouvoir d’achat vient exacerber une sensibilité prix/promotion déjà bien installée chez les consommateurs » rappelle Gaëlle Le Floch, directrice marketing de Kantar Worldpanel France, "la préoccupation prix se positionne déjà en premier critère dans les achats et ils vont mécaniquement constater avec plus d’acuité les effets de l’inflation lors de leurs passages en caisse en raison de la baisse de la fréquence d’achat qui entraîne des paniers moyens plus conséquents". Si l’INSEE classe 15% des foyers en classe modeste, Kantar estime que 32% des ménages représentent des foyers "vulnérables" , soit des foyers qui se sentent en situation de précarité et craignent le déclassement. "Cette typologie de ménages a pour intention de réduire tous les postes de dépenses alimentaires et non alimentaires, en limitant l’achat de certaines catégories ou en envisageant d’acheter plus de 1er prix, de MDD, de produits en promotion ou en privilégiant le fait-maison, les solutions anti- gaspi, les Enseignes à Dominante Marques Propres( EDMP) ou encore le Drive" précise Kantar. Après une année 2020 atypique pour les marchés de la grande consommation (frais compris), l’année 2021 clôture -2,2% en valeur, et -3,6% en volume, soit +5,6% en valeur comparé à 2019, ce qui est donc très supérieur aux croissances moyennes d’avant crise. Les dépenses moyennes par ménage atteignent désormais 3 307€ contre 3 169€ en 2019. Certaines "routines" mises en place pendant les confinements perdurent, comme celle de faire moins souvent ses courses en magasins (4 visites en moins en 2021 vs 2019), mais de remplir un peu plus son panier à chaque session shopping (33€ par acte d’achat en 2021 vs 30€ en 2019)
La réponse des enseignes
Les enseignes déjà bien positionnées sur les prix et qui ont adopté des stratégies pour répondre à la quête du mieux manger accessible font la course en tête et des "seuils symboliques ont été franchis" selon Kantar. Les indépendants continuent à creuser l’écart et pèsent désormais la moitié du marché des produits de grande consommation. Lidl atteint 60% de pénétration, Leclerc consolide sa position de leader et grimpe à 22% de parts de marché, Les Mousquetaires ont franchi le seuil des 16%.
Mieux manger
La crise sanitaire a laissé des traces : en 2021, le premier sujet de préoccupation des consommateurs reste la santé (88% des Français), devant le pouvoir d’achat (83%). Les consommateurs ont "parfaitement intégré que leur alimentation reste leur meilleur allié pour rester en bonne santé" note Kantar. Les recettes du manger sain sont désormais bien connues, et les marchés de la transition alimentaire représentent 21% du marché total PGC-FLS. De nombreux marqueurs de cette transition sont toujours dynamiques et progressent en valeur sur l’année écoulée : les produits sans conservateurs (+17%), les produits équitables (+9%), les produits écologiques et naturels (+19%) et les produits locaux (+2%). Autre percée notable, celle de la lutte contre le gaspillage : 85,3% des consommateurs essaient d’acheter moins pour éviter le gaspillage, et sont de plus en plus nombreux à utiliser des applis anti-gaspi (23%), à surveiller les dates de péremption (62%), à acheter des dates de DLC courtes (43%) ou encore à acheter du vrac (40%).
Responsables ?
"Malgré la transformation sans précédent chez les marques de l’agro-alimentaire et les investissements pour la conversion vers le végétal, la rénovation des recettes, la chasse aux additifs, les marques ont encore du mal à convaincre les consommateurs. Seulement 10% d’entre elles sont perçues comme responsables, les efforts engagés sont donc encore insuffisants et un long chemin reste à parcourir pour les industriels et les enseignes" analyse encore Gaëlle Le Floch. 83% des consommateurs attendent des engagements concrets de la part des marques et ces nouvelles exigences ont déjà conduit deux consommateurs sur trois à arrêter d’acheter un produit à cause de son impact négatif sur l’environnement.
Simplicité, bon sens et marques nationales
Les Français continuent à accorder une place de choix à leur alimentation : ils ont toujours envie de se faire plaisir (83% des consommateurs choisissent des produits avant tout pour se faire plaisir) en cuisinant des recettes simples (64% aiment faire la cuisine tous les jours ; le fait maison représente 80% des plats principaux) et restent très vigilants à la qualité des produits qu’ils choisissent. "Tant que les marchés PGC-FLS sont relativement épargnés par l’inflation - nous constatons plutôt une déflation moyenne sur l’année 2021 à -0,5% des prix10 - les consommateurs semblent toujours disposés à payer plus cher pour des produits premiums" décrypte encore Gaëlle Le Floch. En effet, 70,5% des ménages sont prêts à payer plus pour des produits de qualité, 69,4% sont prêts à payer plus pour une marque qui rémunère mieux les petits producteurs. Les marques nationales, pourtant plus chères que les MDD, ont été particulièrement privilégiées : elles représentent 65% des dépenses et ont gagné 0,8 pt de parts de marché. Malgré le retour des opérations promotionnelles, Kantar constate que "la déflation récente est plus forte sur les marques nationales que sur les MDD dont l’offre est en baisse. Toutefois, la crise sanitaire a aussi été favorable à l’attachement aux marques, qui ont gagné en image et sont sur un bon niveau de confiance des consommateurs. La valorisation moyenne des achats de PGC s’élève d’ailleurs à +1,9% en 2021".
Nouveaux gestes et réflexes d’achat
Après un an de cuisine maison et un recentrage sur les produits dits "essentiels", les produits tout prêts reprennent du service (+3,6% en valeur sur un an) conjointement avec le retour au bureau, la praticité et la recherche de commodité. Le commerce en ligne continue d’afficher une très forte croissance, quel que soit le format (drive voiture ou piéton, +30% de trafic vs 2019 / livraison à domicile, +80% de trafic vs 2019). "La peur de la contamination reste élevée et ne va pas aider à un retour dans les commerces physiques, notamment dans les hypermarchés qui se retrouvent désormais pris en étau entre le canal online, les commerces de proximité, et les enseignes spécialisées comme Grand Frais, Biocoop ou Picard" explique encore Gaëlle Le Floch. Pour la livraison de leurs courses à domicile, 8,2% des Français passent commande auprès de pure players, qui atteignent désormais presque le niveau de pénétration desgrandes surfaces alimentaires (8,8%) et constitue donc une menace supplémentaire pour les hyper et supermarchés. C’est sans compter sur l’émergence d’une nouvelle concurrence, entre le quick commerce, les box à cuisiner mais aussi le hors-domicile, qui s’invite à domicile : 71% des consommateurs essaient de passer le moins de temps possible à faire leurs courses. Pour Kantar, cette nouvelle tendance à la paresse et à l’immédiateté semble s’installer et pourrait se résumer en quelques mots "tout faire de son canapé et être livré en quelques minutes chrono".
*Méthodologie : Donnés issues des différentes études menées par Kantar en 2021 sur le panel 20 000 foyers, des études LinkQ, Prométhée. Données Référenseigne Flash P13 2021 Ces données sont issues d’un échantillon de 20 000 foyers panélistes de Worldpanel. Elles sont calculées sur un univers « Généralistes » (Hypers + Supers + EDMP + Proximité + Internet) et représentent les dépenses des ménages ordinaires en PGC + FRAIS LS (Alimentaire, Liquides, Hygiène beauté, Entretien) pour la consommation au domicile.