Des solutions concrètes pour un numérique plus responsable
La récente étude ADEME-ARCEP du 19 janvier 2022 (rapport au gouvernement sur « Empreinte environnementale du numérique en France ») a confirmé s’il en était besoin l’urgence d’agir sur l’empreinte environnementale du numérique, au risque encore une fois de ne pas tenir les engagements climatiques. De la même manière que les labellisations alimentaires et le nutriscore ont permis d’alerter les consommateurs sur la qualité de ce qu’ils achetaient, les acteurs du numérique peuvent construire des indicateurs tels qu’un score d’impact qui favorisera une prise de conscience des internautes.
Une pollution numérique qui n’est plus invisible
L’importance du numérique dans nos vies n’est plus à prouver ; il est même source de résilience pour les entreprises et de lien social pour les personnes. Mais le numérique n’est pas sans externalité négative. Le numérique représente 10% de la consommation électrique mondiale et dépasse le secteur de l’aviation civile en termes d’émissions de CO2. Ses émissions en GES (gaz à effet de serre) pèsent 2,5% en France, 4% dans le monde. Certains scénarios nous amènent à 8% des émissions mondiales d’ici 2025 (1).
Faisons le parallèle avec l’industrie automobile. Imagineriez-vous un constructeur automobile sortant continuellement de nouveaux modèles de véhicules consommant plus que le précédent ? C’est pourtant ce qui se fait dans le secteur du numérique.
Favoriser l’éco-conception
Les formations initiales et continues doivent dès à présent introduire l’éco-conception web comme un principe intangible. Les acteurs du numérique peuvent exercer leur responsabilité sociale et sociétale en formant au plus vite leurs collaborateurs à ces techniques. Des experts et des pionniers de ce domaine sont présents en France.
Le gouvernement dans sa dernière loi REEN (réduction de l’empreinte environnementale du numérique) a mis en place un certain nombre de mesures en ce sens. Certaines sont très concrètes comme la mise en place d’une sensibilisation aux impacts environnementaux des outils numériques dans les écoles et l’enseignement supérieur dès la rentrée 2022. C’est un premier pas encourageant.
Au-delà de l’observatoire de l’empreinte du numérique également créé, la mise en œuvre d’un référentiel de critères en termes d’écoconception est également un signal très positif dans notre écosystème. Le RGESN, référentiel général d’écoconception de services numériques, a vu sa version bêta mise en ligne en octobre dernier. Alors que son cousin le référentiel sur l’accessibilité souffle ses 12 bougies (RGAA, daté de 2009), celui de l’éco-conception vient tout juste d'apparaître. Cela dit tout de notre maturité sur le sujet.
Pour un numérique réellement inclusif
L’empreinte sociale du numérique est également un facteur à prendre en compte. Les publics fragiles face au numérique sont nombreux, on estime à près de 10 millions de personnes en France. 20% de la population française est en situation de handicap dont 1,5 millions de déficient visuel. Le daltonisme ne touche pas moins de 4% de la population, sans parler des personnes dyslexiques. L’illectronisme touche 17% de la population selon l’INSEE (2019). Bon nombre de personnes savent chatter sur les réseaux sociaux mais ne savent pas utiliser les services en ligne. Cette fracture numérique pose de véritables soucis pour les personnes éloignées de l’emploi. Sans parler du manque à gagner économique et du déficit de confiance pour des entreprises qui se veulent de plus en plus inclusives dans leur communication mais ne le sont pas dans leurs outils.
Pas d’amélioration sans mesure de l’empreinte du numérique
Toutes les organisations doivent s’emparer de ces sujets, doivent exiger de leurs partenaires le développement d’un numérique qui prend en compte le respect de l’environnement, d’un numérique accessible à tous et in fine plus performant.
Cela passera par une nécessaire mesure régulière de l’empreinte des services numériques des entreprises. Les opérateurs télécom ont ainsi depuis le 1er janvier 2022 l’obligation d’afficher l’empreinte carbone de leurs abonnés. Cette mesure devra être plus précise et très vite s’étendre à tous les secteurs. À l’image de l’empreinte environnementale sur certains produits, l’affichage environnemental sur les principaux services numériques deviendra la norme pour toute organisation.
(1) Sources : Global Energy Review: CO2 Emissions in 2020 – IAE
(Les tribunes publiées sont sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas CB News).