Evénementiel de luxe et digital : une combinaison utopique ?
Après une transformation digitale tardive, l’industrie du luxe garde pour certains l’image d’un secteur en décalage avec le numérique. En cause, une perception d’élitisme et de fort ancrage des marques dans l’événementiel qui seraient des freins majeurs à l’évolution du secteur dans le nouvel écosystème physique et digital. Mais est-ce vraiment le cas ?
L’événementiel de luxe et la « plateformisation » des médias
S’il est vrai qu’il existe naturellement une prévalence de l’événementiel physique dans le monde de la mode et du luxe, ce vecteur de communication se digitalise comme les autres secteurs de cette industrie, voire se virtualise. Longtemps monopolisée par les médias traditionnels, la couverture des défilés de mode dédiés au lancement des nouvelles collections se partage désormais avec les plateformes de divertissement tels que les jeux vidéo, les réseaux sociaux tels qu’Instagram, YouTube, TikTok ou LinkedIn mais aussi les plateformes de divertissement telle qu’Amazon Prime Video. Dans chacun de ces médias les marques tentent de faire résonner ces événements à grande échelle, en retranscrivant à la fois leur univers ainsi qu’une expérience mémorable spécifique à l’occasion. A l’instar des carrefours d’audience historiques de la TV et de la radio, les plateformes digitales convergent aujourd’hui en permettant aux marques de promouvoir leur image, leur storytelling, et d’affirmer leur pertinence tout en touchant un public très élargi (et cela sans intermédiaire). C’est cette promesse d’un élargissement de leurs audiences qui explique pourquoi les marques de luxe se précipitent vers ce nouveau Far West.
Le marketing d’influence, socle de la couverture événementielle 2.0
Avec l’horizontalisation de l’accès à l’information, les prescripteurs de mode et de tendances ne sont plus les mêmes qu’auparavant. Une part du pouvoir éditorial qui fût jusqu’à récemment exclusivement détenu par des médias tels que Vogue ou GQ a basculé vers les personnalités du web, invisibles sur les médias traditionnels mais souvent bien plus populaires auprès des communautés qu’ils fédèrent sur les réseaux sociaux (des millions de followers) et qu’ils monétisent.
Pour les annonceurs, un enjeu important réside donc depuis quelques années à identifier ces profils vecteurs d’influence, pour réaliser des collaborations ou établir des relations de sponsoring, et progresser ainsi dans la course effrénée aux relais sur lesquels repose la résonance médiatique des événements de luxe en 2021. A l’image de cette évolution, HUGO BOSS a récemment convié une armada de Tiktokeurs pour communiquer en live auprès de leurs communautés lors de la présentation de sa dernière collection à Milan, à l’occasion d’un défilé spectacle basé sur la culture collegiate sportive américaine.
Outre l’objectif de rayonnement que poursuivent les marques de luxe via ces méthodes, ces dernières sont également l’indispensable moyen de communiquer avec une audience jeune, par les canaux qui sont ceux que cette audience plébiscite.
L’événementiel augmenté ou l’hybridation du réel et du virtuel
Qu'ils soient digitaux ou physiques, éphémères ou non, les événements reposent sur un socle, un moment T, une performance, qui offrent une opportunité pour les annonceurs de rassembler clients et communautés autour d’une célébration de la marque. Cette quête de l’inédit se conçoit de plus en plus comme une symbiose du physique et du digital à travers toutes les dimensions de l’événement (processus de création, collaboration des équipes à distance, animations avant, pendant l’événement et au-delà).
C’est ce qu’a démontré le récent événement Lacoste à Shanghai, événement qui s’est déroulé pendant toute une semaine, et destiné à introduire les dimensions sport (tennis), culture et mode de la marque, à une audience chinoise peu familière avec cet univers.
Accompagné par ses partenaires spécialistes de l’événementiel de luxe, la marque a choisi de mêler expérience, découverte, mode, défilé, retail et sport, à la fois dans un monde physique mais aussi dans un monde virtuel, via différents biais : une chasse au trésor physique en ville, permettant d’accéder à des parties de tennis en ligne et de gagner des goodies, d’accéder à l’événement grâce à des points cachés dans le parcours, un défilé physique traditionnel sur un court de tennis virtualisé (parties de jeu où des influenceurs se sont affrontés par écrans interposés, suivies par le public comme les tournois de e-gaming), ou encore un dispositif de live shopping permettant d’acheter depuis la plateforme sociale certaines pièces présentées durant le défilé… Un événement d’envergure innovant et tentaculaire pour lequel ont été déployées d’importantes technologies ainsi qu’une myriade d’assets visuels conçus dans des studios parisiens et shanghaiens. Enfin, pour répondre aux obligations liées au Covid empêchant l’émission de visas, les différentes équipes de direction de projet ont organisé la régie de l’événement à distance entre Paris et Shanghai, faisant en ligne ce qui se faisait depuis toujours en personne.
La convergence des univers physiques et digitaux, la descente de la résonance média vers un consommateur qui devient de plus en plus un utilisateur, la capacité d’une équipe à adapter le contenu pour l’un et l’autre de ces mondes, et l’effacement des frontières entre action, film, média et jeu sont les raisons pour lesquelles le « digital » s’intègre à tous les niveaux de cet univers, et est devenu inhérent à l’événementiel de luxe. Quel que soit le nom que l’on donne à cette évolution, le dernier en date étant le métavers, ces convergences ne sont pas des tendances, elles sont ce que devient le monde qui nous entoure.
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