Les marques sont-elles prises au piège des réseaux sociaux ?
Longtemps, les réseaux sociaux ont été perçus comme le nouvel eldorado de la communication des marques. Quoi de mieux qu’une plateforme où il est possible de toucher des millions de consommateurs, qui fournit gratuitement des outils pour créer et diffuser du contenu et qui offre un système publicitaire ultra efficace ?
Plus que ça, les réseaux sociaux, c’était la promesse d’une révolution dans la relation entre les marques et leurs clients. Des rapports plus transparents, de la proximité, de la co-création. Et pourquoi pas, l’opportunité de réinventer la communication. La rendre moins institutionnelle, moins intrusive, plus utile, divertissante et créative.
Alors, quelques années plus tard, où en sommes-nous ? Les réseaux sociaux ont sans aucun doute offert de nouvelles opportunités aux entreprises. Certaines ont parfaitement su les utiliser pour élargir leur communauté, faire évoluer leur image ou se faire une place dans le quotidien de leurs clients.
Les réseaux sociaux, pour les marques comme pour la quasi-totalité de la population, sont devenus incontournables. Ils sont au cœur d’Internet. Les échanges et les contenus se fabriquent et se publient directement en natif sur les plateformes. Même les contenus ou les initiatives extérieurs (comme les blogs, les événements IRL ou les sites marchands) sont dépendants des réseaux sociaux pour créer du trafic ou avoir de la visibilité.
Les marques qui voyaient dans ces nouvelles plateformes un espace de liberté se sont-elles, sans le savoir, jetées dans la gueule du loup ? En effet, aujourd’hui, communiquer sur les réseaux sociaux, c’est aussi se soumettre à leurs règles, de plus en plus nombreuses et écrasantes. Au fur et à mesure des années, les algorithmes opaques ont fait la loi, le reach organique a quasiment disparu… Sans compter les polémiques (fake news, discours haineux, vie privée, effets néfastes sur les plus adolescents…) qui fleurissent et pourraient interroger les marques (de plus en plus nombreuses) qui se disent « engagées ».
Il ne faut pas s’y tromper, même si les réseaux sociaux ont basé leur modèle économique sur la publicité et que cette dernière est essentiellement alimentée par les entreprises, les marques ont bien peu de pouvoir aujourd’hui. Alors qu’elles pouvaient s’attendre à être chouchoutées, elles sont malmenées, ignorées et condamnées à s’adapter pour émerger, réussir à capter un peu d’attention, gratter quelques interactions et rentabiliser leurs investissements. Elles doivent donc publier le bon nombre de posts (et à la bonne fréquence) pour être visibles, identifier les formats qui fonctionnent, jongler avec les contraintes techniques et trouver les petites astuces pour générer de l’engagement, objectif ultime pour quantifier son succès et s’attirer les bonnes faveurs de l’algorithme pour les publications futures.
Cette stratégie, si elle est bien faite, peut bien sûr payer. Elle demande cependant des compromis, des concessions, quitte à se perdre ou se trahir en chemin car face à toutes ces contraintes de forme, de timing, de résultats, qu’en est-il de la créativité, de l’innovation ? Est-il encore possible de concevoir des campagnes où tout est à imaginer, où le succès d’une vidéo n’est pas conditionné par sa durée, ou celui d’un article par son titre accrocheur. Les marques pourront-elles éternellement se contorsionner pour faire vivre leurs idées tout en cochant les cases imposées ? Et comment peuvent-elles espérer se démarquer, afficher leur originalité si on les pousse à faire comme toutes les autres ?
Au-delà de leur habilité à composer avec ces paradoxes sur la forme, la réponse passera évidemment par le fond : la légitimité de leur discours, leur sincérité au moment de l’exprimer, leur cohérence éditoriale sur le long terme.
En attendant, espérons-le, que peu à peu, de nouveaux terrains de jeu et de nouveaux univers (pour ne pas dire metaverse) ouvrent leurs portes et qu’elles puissent s’y intégrer pour diversifier leurs prises de parole et respirer à nouveau un air libre et frais. En gardant évidemment en tête que tout aussi nouveaux qu’ils soient, si les ficelles de ces espaces sont tirées par les mêmes acteurs qu’avant, l’histoire risque de se répéter. Mais il reste encore un peu de temps avant de devoir y penser.
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