Benoît Coucke (Jellyfish France) : « Il faut s’inquiéter du manque de traçabilité »
Alors que le SRI vient de publier le bilan 2019 de son Top des acheteurs programmatiques, Benoît Coucke, senior director Paid Media chez Jellyfish France (entité issue de la fusion récente de Tradelab et Uptilab), en décrypte pour CB News les enseignements, les points clés et ses quelques faiblesses. Tout en émettant quelques propositions. Interview.
Le Syndicat des régies Internet (SRI) vient de publier la 6ème édition de son Top 30 des acheteurs programmatiques pour l’année 2019. Quel sont pour vous les points principaux à retenir ?
En première lecture, le classement 2019 s’inscrit dans la continuité du classement 2018. Les acteurs et leurs parts de marché restent en effet similaires, et on constate toujours une différence majeure entre la structure des environnements display et vidéo. Ce dernier se concentre autour des acteurs traditionnels, plutôt qu’autour des pure players digitaux, ce qui reflète, de la part des annonceurs, une approche classique du branding, héritée de la culture offline.
Pourtant les habitudes des consommateurs ont évolué et il existe de nouvelles opportunités de contact, et d’optimisation de l’expérience de marque ! Nous essayons, pour notre part, de guider nos annonceurs vers un modèle d’influence plus vertueux dans lequel la data collectée à chaque impression permet de comprendre les attentes des internautes et d’adapter aussi bien la pression marketing que la créa elle-même.
L’autre fait marquant est bien évidemment l’augmentation de l’ « unknow » qui passe de 10,1% à 18,3% pour la partie display...l’évolution est telle qu’on peut se demander si la méthode de classification est demeurée la même. Il faut bien sûr s’inquiéter de ce manque de traçabilité qui détruit de la valeur des deux côtés de la chaîne programmatique et qui affaiblit la confiance des acteurs en présence.
Y-a-t-il de la place aujourd’hui pour de nouveaux entrants d’envergure ? Ou le marché vous paraît-il d’ores et déjà bouché ?
En marge des baisses et hausses individuelles au sein du classement, certains acteurs font leur entrée et, même si leurs progressions restent faibles, elles indiquent une vigueur de la demande et montrent que le marché est ouvert au changement.
L’achat média programmatique, en progression constante, reste néanmoins un métier technologique par nature. Sa maîtrise est intimement liée à la capacité d’un acteur à exploiter la donnée et à proposer des surcouches technologiques qui augmentent les plateformes qui sont, quant à elles, partagées par tous les acheteurs du classement.
Bien que ces développements requièrent des efforts humains et technologiques conséquents, qui ne sont pas à la portée de tous, ils offrent de réels résultats, et sont le seul moyen, pour les marques, de s’assurer une longueur d’avance sur leurs concurrents.
Est-ce que la présence de la dénomination « Unknown » donnée par le SRI ne trouble pas un peu l’observation du marché. Ou cela permet-il au contraire d’encore mieux le définir dans sa structure même ?
Étant donnée la part que cette catégorie représente, il serait impossible de l’écarter du classement sans fausser totalement le poids de chaque acteur. Le problème c’est que les causes qui rendent cette partie des dépenses média inqualifiables sont méconnues. L’une d’entre elles réside dans le manque de communication entre DSP et SSP. En effet, nous ne disposons pour le moment d’aucun ID Unique qui permettrait de suivre une impression d’un bout à l’autre de la chaîne. C’est pourquoi l’interprofession a initié le projet Trust ID (auquel Jellyfish participe en France en testant son intégration dans les bid responses) et étudie des mécanismes permettant une meilleure identification des acteurs de l’achat sur le modèle de l’implémentation du fichier sellers.json côté vente. .
Dans une certaine mesure, cette catégorie « unknown » fait écho aux chiffres rapportés il y a quelques semaines par l’ISBA britannique dans son rapport sur la transparence dans la chaîne de valeur programmatique et qui révèle qu’environ 15% des investissements média des annonceurs ne peuvent être attribués à un acteur de la chaîne de valeur. Cette opacité à tous les niveaux n’est plus tolérable et tous les moyens, technologiques, méthodologiques et contractuels doivent être mis en oeuvre pour y apporter des solutions.
Le SRI a choisi de séparer le marché en 2 catégories (Display hors instream et Video instream). Pourrait-il y avoir d’autres catégories, ce qui rendrait à vos yeux le marché encore plus lisible ?
Tous les canaux média n’ont pas vocation à former une catégorie à part. Les Native Ads, bien qu’en progression, représentent à ce jour une part encore trop restreinte de l’achat média pour être représentative d’une tendance lourde.
On pourrait cependant imaginer une catégorie dédiée aux canaux émergents, à l’image de l’audio par exemple, qui, connectée aux résultats de l’Observatoire de l’e-pub, permettrait de dégager des tendances sur le long terme.
En 2020, le podium sera-t-il identique ?
Bien malin celui qui pourra prédire à quoi ressemblera le classement 2020 ! La pandémie de Covid et son impact sur les investissements média des marques ont conditionné l’offre et les revenus des éditeurs, et entraîné des stratégies d’adaptation les plus diverses de la part des acheteurs.
Plus que jamais, les marques éprouvent le besoin d’accélérer leur transformation digitale et de reprendre le contrôle de leur data. Les soutenir dans cette révolution, en mettant à leur disposition les compétences humaines et les technologies les plus avancées, et en construisant avec elles une feuille de route personnalisée, est la mission de Jellyfish. Dans ce contexte, nous accompagnons déjà une quarantaine d’annonceurs dans l’internalisation de leur stack technologique, voire de leurs opérations média. Ces nouvelles pratiques ont fait leurs preuves et la transparence obtenue permet à la fois de rationaliser les coûts, de construire une expérience de marque plus pertinente, plus fluide et plus impactante, et de stimuler la montée en compétence des équipes impliquées.