Coupe du Monde de football féminin : la Presse s'attaque aussi aux enjeux sociétaux
La Coupe du Monde Féminine de Football qui se déroule jusqu’au 7 juillet, n’est pas seulement un rendez-vous sportif incontournable mais un enjeu sociétal à part entière. Depuis plusieurs semaines d’ailleurs, les éditeurs de presse magazine et on-line se sont emparés du sujet. Ils sont plusieurs à avoir choisi des angles stratégiques pour faire valoir leur marque dans le paysage médiatique mais surtout, véhiculer de nouveaux savoirs et de nouvelles valeurs à leurs lecteurs et lectrices. Décryptage sur ces fameuses Bleues, présentes un peu partout dans les kiosques....
En ligne ou dans les magazines papier, aucun éditeur de presse ne pouvait passer à côté de ce rendez-vous sportif, qui selon les estimations, rassemblera des fans de sport du monde entier et surtout, 1 milliard de téléspectateurs. Volonté de valoriser la marque, de recruter de nouveaux lecteurs, ou simplement de répondre à une attente du lectorat, voici plusieurs titres de presse qui se sont spécialement engagés à traiter le sujet pour le rendre intelligible à leurs publics.
DES MAGAZINES LÉGENDAIRES SPORTIFS
Sans surprise, les magazines historiques et légitimes dans le traitement de l’information sportive se sont vite emparés du sujet de la Coupe du monde Féminine. Et ont ainsi choisi de mettre en avant les footballeuses au maillot bleu, sinon de mettre plus largement l’accent sur la discipline, pratiquée alors au féminin et que la société n'aura seulement commencé à démocratiser à partir de 1968 (lorsque l’équipe des Filles de Reims lance le football féminin en France ). Ainsi, on retrouve deux publications très mises en avant sur le digital et dans les points de vente de presse : les titres Women Sports et Paris Match (Lagardère).
A Paris Match, support grand public et éternel amoureux des stades, la rédaction a misé sur un dense hors-série avec la présentation de trois thématiques fortes, conservant le même ADN que dans ses collections « A La Une » et « Décennies ». Sont ainsi abordés dans ce support, empli de photographies « maison », les 100 ans de la Fédération Française de Football, les 70 ans du titre de presse et la Coupe du monde féminine de football. Une parution reconnaissable en rayons, à sa Une, spécialement pensée par Patrick Mahé, rédacteur en chef des hors-séries de Paris Match, plaçant Eugénie Le Sommer et Kylian Mbappé en face à face pour promouvoir l’égalité hommes-femmes de façon forte et symbolique pour le lectorat. Au sommaire, interview d’Eugénie Le Sommer et série de portraits de femmes qui font la discipline, comme Corinne Diacre, Amandine Henry, Kadidiatou Diani, Aïssatou Tounkara et Florence Hardouin, la directrice de la FFF, ou encore et pour ne pas l'oublier, un entretien avec Brigitte Henriques, vice-présidente déléguée de la FFF. Aussi le magazine ne s'arrête pas là et intègre huit pages de « face à face de joueurs-et joueuses », soit des « visuels de gestes esthétiques d’hommes et de femmes pour valoriser l’image du foot féminin », explique Patrick Mahé, joint par téléphone.
Objectif de la marque sur ce rendez-vous sportif français et international : intéresser le plus de lecteurs possibles au football. Si les parutions de Paris Match ont toutes pour visée de «conforter la mémoire des lecteurs, qu’il s’agisse de sport, d’histoire ou de musique » de « conquérir de nouveaux lecteurs et de « montrer le savoir-faire d’une alliance entre les textes et l’image », ce hors-série en particulier, (proposant aussi l’album dédicacé par Didier Deschamps) veut participer à l’expansion de la pratique de ce sport. « La Coupe du monde masculine a été très suivie par les femmes mais l’idée est que tout le monde s’intéresse au football. Et on ne peut pas passer à côté de ce rendez-vous », ajoute Patrick Mahé, avant d'ajouter : « Il faut que les reportages se fassent en liberté. Les gens ont besoin de s’accrocher à leurs idoles au-delà du terrain, de découvrir leur personnalité. Si le succès des garçons aide les Bleues pour la France, nous sommes à l’aube d’un phénomène. Et la Fédération est au rendez-vous des temps modernes. Moi, en tout cas, je veux voir décoller le foot féminin ! »
Du côté de Women Sports, titre fondé par Bruno Lalande et dirigé par David Tomaszek, rassemblant aujourd'hui 4 millions de lectrices, le dernier numéro (avril-juin) s’axe sur une thématique facilement abordable pour ses lecteurs et lectrices : celle de « Faire connaissance avec les Bleues ». L’occasion de retrouver les informations phares des matches à venir mais aussi de plonger dans les coulisses des Bleues autour d’anecdotes humoristiques. Enfin, pour aller au-delà de la pratique du ballon rond dans l’hexagone, le magazine renseigne sur les tendances actuelles et les chiffres du football, en décollant cette fois pour les Etats-Unis. Women Sports propose aussi, toujours dans cette même parution, un focus sur les 10 meilleures footballeuses de l’histoire, au postes d'attaquantes, gardiennes, ou milieu de terrain.
LES MAGAZINES DE GRAND PUBLIC TRÈS CONCERNÉS AUSSI
Ainsi, la Coupe du Monde Féminine n’est plus seulement le rendez-vous incontournable des fans du ballon rond derrière les écrans et les fan zone partout en France : il devient un véritable levier d’économie et un point clé pour ouvrir les esprits, faire changer les mentalités.
Un terrain sur lequel s’est également engagé Télé-Loisirs (Prisma Media), toujours ancré dans une politique éditoriale de parler davantage de sport au travers de ses différents supports (site, magazine) et tout particulièrement dans son avant-dernier hors-série : Le « guide de la Coupe du Monde » conçu en partenariat avec RMC. « On a défini le sport comme une thématique importante et cette compétition est d’importance ! On avait par ailleurs couvert l'EURO de handball féminin sur nos supports fin 2018. Autour de l’événement nous avons non seulement mis en place un mini-site, de la production de vidéos mais nous avons aussi fait appel à Vikash Dhorasoo, ex-footballeur de l'équipe de France, pour intervenir en tant que consultant. Enfin, on a en plus de dossiers dans nos magazines, un hors-série de 50 pages avec des interviews d’Eugénie Le Sommer, d’Amandine Henry et de Gaëtane Thiney ainsi qu’un article sur l’histoire du football féminin sur trois pages. Une histoire chaotique avec des périodes ou les féministes l’ont poussé, au temps de Pierre de Coubertin qui refusait l'accès du foot aux femmes, notamment. Nous relatons aussi l'histoire de Florence Dixie, la militante britannique qui a participé à la création de la British Ladies Football Club 1895. Sans oublier des articles dans Télé 2 Semaines et dans Télé-Loisirs », explique Thierry Masclot, rédacteur en chef du pôle TV-Entertainment de Prisma Media.
Aussi, le titre souhaitait, avec ce nouveau numéro en kiosques, s’ancrer dans une nouvelle tendance : « Télé-Loisirs est en prise avec son temps et avec le combat pour l’égalité hommes-femmes. On souhaite également s'engager pour le développement de la visibilité du sport féminin et des sportives en France. Télé-Loisirs qui est une marque grand public, a donc un rôle à jouer. En répondant aussi aux attentes de ses audiences », précise celui qui admire d'une part la cycliste Jeannie Longo et de l'autre, la capitaine des Bleues, Amandine Henry.
LE SPORT, NOUVEL ENJEU D’ÉDUCATION POUR LA PRESSE JEUNESSE
En parallèle, d’autres magazines jeunesse ont envahi les linéaires avec des numéros spéciaux ou contenant des dossiers dédiés, choisissant alors de décrypter cette compétition sportive autour d’un double défi. Dans un premier temps celui de traiter l'information de façon neutre, puis au travers d'une approche pédagogique : cibler les plus jeunes tout en s’adressant à leurs parents et à leur entourage ayant un rôle prescripteur afin d'y aborder l’égalité et la mixité dans le sport ( et plus largement au quotidien et dans la société).
Tel est le cas d’Okapi (Bayard), du Monde des Ados (Fleurus Presse) et du Journal de Mickey (Disney Hachette Presse), autour d’un partenariat avec l’Equipe afin que les deux titres allient leurs expertises en un seul et même support à destination des 7-14 ans et aujourd’hui lu par environ 1 590 000 lecteurs (source Junior Connect). La mise en place des tirages fut conjointement étudiée par les deux titres pour la renforcer dans les points de vente des villes hôtes de la compétition. La visibilité des marques des deux magazines s’en retrouve augmentée, même si l’idée initiale était de promouvoir la mixité, avant leur image de marque. « Nous avons autant de lecteurs que de lectrices du Journal de Mickey. L’objectif avec l’Equipe, était d’avoir un produit dans l’ADN de Mickey avec des jeux et des bandes dessinées mais surtout, de mettre en avant un sport mixte. Et que nous n’ayons pas de clivages », s’accordent à dire Yann Grolleau, responsable des opérations spéciales chez DHP et Alice Cauquil, directrice générale d’édition, joints par téléphone. « C’est un coup de projecteur sur un sport médiatisé, même si les premières joueuses au classement mondial sont les américaines ou allemandes ».
Egalement interrogés sur le rôle de la presse à ce sujet et à l’heure actuelle, le duo répondra : « mettre en lumière des personnes un peu dans l’ombre mais pas moins performantes pour autant ! » Une politique qui s’étend à un autre magazine du groupe, Disney Girl, dans lequel les lectrices peuvent retrouver une interview de la capitaine d’équipe, Amandine Henry, pour le côté « inspirationnel ». Elle-même d’ailleurs, étant petite lisait Le Journal de Mickey…
Du côté d’Okapi, qui a édité il y a peu un numéro intitulé « 100% championnes », le dossier de huit pages n’est plus seulement tourné vers le sport en crampons mais plus largement axé sur la féminisation du sport en général. Avec pour accroche ce rendez-vous, la rédaction part en réalité à la rencontre de figures phares dans diverses disciplines. Elle évoque ainsi le palmarès de la footballeuse Delphine Cascarino, de Jessy Tremoulière pour le rugby, le parcours de la handballeuse Pauletta Foppa, de celui de la basketteuse Alexia Chartereau, sans oublier d’évoquer la carrière de la cavalière Camille Condé-Ferreira, de la boxeuse Estelle Mossely, de la gymnaste Juliette Bossu, de la skieuse Marie Bochet et de Charlotte et Laura Tremble, stars de la natation synchronisée. « La rédaction a souhaité que dans chaque portait, un aspect du sport féminin ressorte, comme la nécessité d'être meilleure que les hommes afin que l'on parle d'elles ou encore de la beauté particulière du rugby féminin, différent de son homologue masculin », explique un communiqué.
Enfin, Le Monde des Ados explore l’univers du sport le plus populaire du monde, au travers de portraits intrigants et fait le choix de placer en Une de couverture, une jeune licenciée en tenue et ballon à la main. La parution va, de ce fait et toujours en suivant son fil conducteur, à la rencontre d’une journaliste de Téléfoot. De quoi partager des bonnes ondes au féminin, pour le panel d’ados qui le lisent. Par ailleurs, ce n’est pas la première fois que ces deux titres de presse se lancent dans un décryptage du football. L’an dernier d’ailleurs plusieurs revues jeunesse du groupe Bayard (en plus de celles-ci), avaient mentionné, sinon traité le Mondial de football en Russie (footballeurs): Images Doc, Astrapi, I Love English for Kids et Géo Ado.
Autre presse déployée sur l'événement : les journalistes de Ouest France, qui n’hésitent pas à coller à l'actualité en réalisant des portraits de mordues de football en région. Un ensemble de publications qui manifestement, tend à faire bouger les lignes de demain, aussi bien chez les professionnels, les amateurs, et le grand public. Et qui, vient changer l'éternelle approche des lieux les plus réputés du football en France, le Parc des Princes à Paris, l’Orange Vélodrome à Marseille, ou encore le Groupama Stadium de Lyon, mis en lumière au détriment d'autres (petits clubs, associations, etc). A cet ensemble de publications, s'ajoute aussi la sortie en linéaire du dernier numéro de Foot Féminin magazine, proposé par les éditions Lahalle, qui en plus de parler de cette compétition, aborde les championnats D1 et D2 et l'UEFA .
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