Lancement de Quibi, plateforme de streaming « nomade »
La moitié de la planète confinée par le coronavirus ? Cela n'empêchera pas Quibi de tenter de révolutionner l'industrie du divertissement en lançant dès lundi son service de streaming "nomade", avec des programmes courts spécifiquement conçus pour les téléphones mobiles mais "en qualité hollywoodienne". Attirées par ce projet innovant et les milliards de dollars promis par Quibi, les stars du grand et du petit écran se sont bousculées pour produire films et séries, de Steven Spielberg à Guillermo del Toro en passant par Jennifer Lopez et Reese Witherspoon. Tout le contenu de Quibi sera diffusé par tranches de dix minutes maximum, des "bouchées" ("quick bites" en anglais, abrégé en Quibi). Dans le même esprit, tous les programmes sont réalisés à la fois en format vertical et horizontal, passant automatiquement de l'un à l'autre lorsque le spectateur incline son téléphone.
Quibi, qui avait prévu de longue date le lancement de son service le 6 avril, a fait le pari de maintenir ses plans sans être sûr de ce que l'avenir lui réserve. "Honnêtement, on ne sait pas, car le lancement intervient à une période sans équivalent", déclare à l'AFP la directrice générale de Quibi, Meg Whitman. "Je ne pense pas que qui que ce soit ait déjà connu quelque chose comme ça", estime l'ancienne patronne d'eBay. L'idée est de séduire les jeunes actifs susceptibles de consommer une ou deux bouchées de dix minutes dans les transports en commun ou durant leur pause-café. La pandémie de coronavirus a mis un coup d'arrêt à ces habitudes quotidiennes mais les dirigeants de Quibi pensent que le confinement peut lui aussi créer un tel besoin. "Les gens ont encore des moments de transition, c'est juste différent", analyse Mme Whitman, citant en exemple un parent cherchant à relâcher la tension entre deux séances d'enseignement à domicile pour ses enfants. "Je passe ma vie sur Zoom (plateforme de visioconférence, ndlr). Mais si j'ai dix ou quinze minutes entre deux appels par-ci, par-là, je regarderais Quibi", assure Meg Whitman.
Quibi a pour atout un catalogue fourni et alléchant : 50 programmes disponibles dès le premier jour, 175 créations originales garanties pour sa première année, souligne sa patronne. Si les vedettes de Hollywood ont répondu présent, c'est notamment grâce à la présence de Jeffrey Katzenberg, ancien patron de Disney (1984-1994) et co-créateur des studios Dreamworks, à l'origine de Quibi. Des films comme le thriller psychologique "Survive", avec la star de "Game of Thrones" Sophie Turner, et "Most Dangerous Game" avec Liam Hemsworth devraient faire office de produits d'appel pour les premiers abonnés. Quelques épisodes seront disponibles au lancement de Quibi mais le reste sera distillé à raison d'un chaque jour, l'idée étant de tenir les spectateurs en haleine comme au bon vieux temps de la télévision hertzienne. D'autres programmes sont déjà prévus jusqu'à l'automne, mais la suite est incertaine, Hollywood étant à l'arrêt depuis le début de la pandémie.
Pour fidéliser ses abonnés, Quibi mise aussi sur des tranches d'information quotidiennes, des programmes sportifs et des émissions de divertissement, un type de contenu difficile à produire tant que les studios resteront fermés. L'abonnement à Quibi coûtera 5 dollars par mois avec publicité ou 8 dollars sans. Pour tenir compte des difficultés financières créées par la crise sanitaire, la plateforme a fait passer son offre d'essai de deux semaines à 90 jours. Pour inciter les jeunes à délaisser YouTube, TikTok ou Instagram, aux programmes gratuits mais généralement amateurs, Quibi mise sur la qualité de ses contenus, comme HBO l'a fait en son temps pour concurrencer les chaînes traditionnelles. "Nous payons jusqu'à 100.000 dollars la minute pour nos longs-métrages", assure Meg Whitman, un budget comparable à celui des grosses productions de Netflix, Amazon, HBO Max ou Disney+. Mais Quibi ne considère pas ces derniers comme des rivaux, il a l'ambition de devenir "la nouvelle vague du divertissement", dit-elle. "Il y a eu les films, il y a eu la télévision, puis le streaming. Et maintenant peut-être qu'il y a une nouvelle façon de raconter des histoires sur mobiles avec une qualité hollywoodienne", conclut-elle.