Pubard ou communicard ?

Chevallier Patrice

Patrice Chevallier a fait ses débuts dans la publicité il y a plus de 50 ans, passant d’illustres adresses côté agences comme médias. Un secteur qu’il continue de suivre avec passion et curiosité. S’il a vu passer nombre de révolutions dans le secteur, il en est une qui le hérisse particulièrement et pour laquelle il a pris la plume et fait parvenir cette réflexion.

Il y a quelques semaines, un responsable d’agence décrétait que, désormais, il ne faudrait plus parler de « publicité » mais « communication ». Euphémisons, euphémisons ! Responsable des relations humaines remplace chef du personnel, comme technicien/ne de surface pour homme ou femme de ménage, hôtesse de caisse pour caissière, personne en situation de chômage pour chômeur… On pourrait poursuivre à l’envi. Destinés parfois à « adoucir » des situations difficiles, ces habillages sémantiques, permettent surtout à ceux qui les formulent de se donner bonne conscience, même si une personne en situation de chômage est toujours chômeur. Cela ne mange pas de pain.

En revanche, la substitution du vocable publicité par celui de communication est une ânerie. Veut-on dissimuler ce qui fait l’une des vertus -oui, vous avez bien lu- de la publicité ? En termes de perception, le premier message de la publicité, c’est que c’est… de la publicité (cf. l’analyse spectrale du manifeste publicitaire par Georges Péninou). En cela, donc, vertueuse, car elle ne s’avance pas masquée vers son destinataire (en cela, aussi, agressive, mais c’est un autre sujet). Je vais vers l’information (j’achète mon journal), la publicité vient vers moi à découvert. En matière de propagande, le destinataire sait d’entrée que le destinateur cherche à le convaincre (cf. la fonction conative chez Roman Jakobson), alors que, dans notre monde médiatique opacifié, on ne distingue plus l’informateur du propagandiste.

Pourquoi, dès lors, lorsqu’on est payé par l’annonceur (comme notre responsable d’agence qui veut remplacer le terme de publicité par celui de communication) pour recourir - tel l’avocat à la rhétorique afin de séduire ses clients-, se dire « communicant » alors qu’il s’agit d’efficacité publicitaire, quelle que soit l’évolution des supports (digital, data…). Ma proposition : puisque le terme publicité est mort et que celui de communication, ce cache-sexe, est malhonnête, je propose d’utiliser le mot propagande. Seul problème, les « communicards » auraient pu remplacer les « pubards ». Trop tard.

[Les tribunes publiées sont sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas CB News]

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