Les cahiers de tendances sont-ils dépassés ?

Je croyais la saison des cahiers de tendances terminée. Une saison qui traditionnellement va de novembre à fin janvier et je vois encore dans les lettres pros des cahiers comme Future 100 médiatisé par le VML Group France. Lorsque j’évoque les Cahiers de tendances, j’ai une pensée émue pour ma jeunesse « caratienne » avec l’équipe du planning stratégique et celle de TVMI.

Cahiers de tendances, la fin d’une époque ?

On peut légitimement se poser la question de la nécessité d’avoir en 2024 des cahiers de tendances. L’accès à l’information est quasi instantané. Quand une nouvelle technologie apparait - comme Sora, la nouvelle plateforme générative de gestion des images d’OpenAI - elle est dans le Parisien le jour même. Il est « facile » de déboulonner les cahiers de tendances. Listons quelques critiques. 

Ils enfoncent les portes ouvertes : 2022 l’année du Metaverse ; 2024 sera l’année de l’IA. Ils sont en fait souvent les porte-voix des vrais storytellers des tendances, les GAFAM. Rappelons que peu ont remis en question les prévisions de Facebook sur le Metaverse.

Le mode de diffusion des cahiers de mode fait qu’ils ont un caractère auto-réalisateur.

La mécanique de la prévision auto-réalisatrice est simple : les concepteurs de ces cahiers affirment que l’imprimé panthère sera à la mode cet été, les 50 marques importantes du marché achètent le cahier et en plus la relation avec les médias est maitrisée. Il serait surprenant que l’imprimé panthère ne soit l’événement de l’été. 

Pour certains, on peut aller jusqu’à dire qu’ils n’ont de tendance que le nom, ce sont avant tout des outils commerciaux à l’image des Cahiers de tendances des grands consultants. Ils dramatisent l’arrivée de nouvelles technologies pour aider les entreprises à les intégrer. 

La problématique des prévisions est que si l’on n’énonce pas les volumes associés, même si ce ne sont que des hypothèses, … on ne fait pas de prospective. Lorsqu’en début d’année je fais un article pour expliquer que le « trop d’offre » couplé à la prise en charge de nos choix par l’IA amènera une perte du désir de consommer si je ne précise pas la vitesse de propagation du phénomène (5 ans, 10 ans…) je ne produis pas une information opérationnelle.

Dans toutes ces critiques, il y a sûrement un peu de mauvaise foi. On surjoue beaucoup le court terme mais on a énormément de mal à avoir une vision moyen terme. 

En fait, il y a plusieurs types de cahier qui ont chacun leur fonction, leur méthodologie. 

De quel cahier parlons-nous ?  

Quand on parle de cahier de tendance on compare des choux et des carottes. Dans la famille cahier de tendance il y a plus de 100 cahiers j’identifie 4 types de produits. Chaque type de cahiers est illustré par une entreprise référente. Je place les cahiers de modes Peclers et Nelly Rody dans une famille à part entière. Les cahiers de tendance sont en général disponibles sur les sites des marques.

Les cahiers sociétaux : Ipsos Flair

Ipsos flair a été créé à l’initiative de Jean-Marc Lech en 2005. Il s’appuie à la fois sur les datas produites par le groupe et sur les interviews des principaux experts mondiaux. Il est piloté par Yves Bardon qui considère « les résultats d’étude comme des symptômes sociologiques pour définir une cartographie des tendances, structurantes et émergentes, et la grille de lecture de l’opinion ». Ipsos décrit d’abord l’état de la société et les stratégies des individus vs la situation pour proposer des stratégies pour les marques et cela dans plus de 15 pays.

Les cahiers d’inspiration : The Future 100 

Produit depuis plus de 10 ans par l’agence JWT Intelligence. Le parti-pris de ce cahier est de balayer les principaux marchés et d’identifier 100 signaux faibles. Construit sur un principe simple: description du signal faible, mise en perspective et Illustration avec de très belles photos et un branding de chaque tendance.

Les cahiers de synthèse de l’année : Media Trends de Dentsu Insights

Le principe est simple : l’ensemble des macro-tendances marketing sont décrites et mises en perspective d’une dizaine d’enjeux. Facile d’accès ce cahier permet de rapidement faire le tour des différentes tendances 2024.

Les cahiers spécialisés : Future Today Institute

Amy Webb et son Future Today Institute est la prêtresse du digital. Les grandes entreprises mondiales suivent ces conseils. Elle annoncé en 2017 le monopole des GAFAM sur la distribution publicitaire et dès 2023 prévoit avec le concept de l'IASMOSE la domination dans la production des contenus.

Comment on fait ? Une seule solution : soyez le producteur de votre propre cahier de tendances opérationnel. 

On sait qu’il faut réduire notre empreinte... On sait que l’IA va avoir un impact important sur nos business. La vraie question des entreprises est : comment on fait sur notre business, avec nos contraintes,…

Pour produire son propre cahier, vous allez d’abord assembler plusieurs sources d’information.  Ces sources seront les bases sociologiques, technologiques, … de votre modèle. La première étape est d’identifier les cahiers qui ont une solidité méthodologique (moins de 25% de l’offre). L’analyse du corpus d’experts interrogé doit être décortiquée.  Beaucoup de cahiers sont basés sur des interviews de « tendanceurs »   qui ne sont ni sociologues, ni experts dans leur domaine… ils produisent un storytellling tendance sans ancrage dans la réalité.

Sur votre marché, vous allez identifier des signaux faibles pour les mettre en rapport avec les metatrends que vous avez isolé dans vos cahiers de tendances de référence. Vous pourrez évaluer si ce signal faible va devenir une tendance sur votre marché. Ce travail doit être pris en charge par une équipe pluridisciplinaire dans votre entreprise. Vous allez adorer les cahiers de tendances...

Yves Simeon, fondateur de Reload