Mouv’ : 2016, année de reconquête d’audience
Le pari était risqué. Réinventer de fond en comble une radio du service public, objet de bien des critiques et autres quolibets. En difficulté, se cherchant une âme et une audience, Mouv’ trace sa nouvelle route depuis un an. Son directeur Bruno Laforestrie explique sa stratégie de remise à niveau avant la phase de reconquête. Entretien exclusif.
CB News : Le 2 février 2015, il y a un peu plus d'un an, Le Mouv' devenait Mouv'. La radio changeait de format pour se consacrer à la musique hip-hop et aux cultures urbaines. L'heure du bilan ?
Bruno Laforestrie : Un an, c'est à la fois peu et beaucoup dans le domaine de la radio. Sous l'impulsion de Mathieu Gallet, nous avons pris l'option stratégique de refaire de Mouv' une radio jeune. Le service public se doit d'avoir ce type d'offre avec un cœur de cible 15-25 ans. Pourquoi ? D'abord, parce que c'est le rôle du service public que de toucher tous les publics et qu'ensuite, les médias traditionnels radios ont vieilli. Puis, on sait bien aujourd'hui que les cultures urbaines, globalement, sont extrêmement attractives pour les jeunes. Le hip-hop est le type de musique le plus écouté en streaming dans le monde, notamment sur notre cible.
CB News : La feuille de route que vous a confié Mathieu Gallet, président de Radio France, est claire. Remettre Mouv' dans l'air du temps, aller chercher l'auditeur là où il se trouve...
Bruno Laforestrie : Mouv' s'inscrit dans un nouveau cycle. Notre préoccupation permanente doit être celle d'être toujours en conquête. Nous avons la conviction que la radio est un média contemporain. J'ai donc présenté une stratégie "on air, on-line, on me...". Le "on air", c'est la FM, le "on-line", ce sont les carrefours d'audience là où notre public se situe. Et le "on me", car l'on sait que 30 à 40% de notre audience est en mobilité. A charge pour nous de proposer de véritables moteurs d'interaction avec notre public. C'est là que tout se joue.
CB News : Comment cela se traduit-il dans la programmation ?
Bruno Laforestrie : Nous sommes une radio musicale à 80%. La première demande des jeunes lorsqu'ils nous écoutent, c'est d'avoir de la musique. Notre mission est d'être à la fois une radio musicale et de l'entertainment, mais aussi d'être un média de service public d'information avec 9 journalistes offrant soixante-dix rendez-vous d’info par semaine dont deux tranches quotidiennes dédiées.
CB News : Depuis son relancement, Mouv' a-t-il connu des ajustements ?
Bruno Laforestrie : A la marge. Installer une programmation musicale, cela prend six mois. Nous avons du recréer une base de données musicales de A à Z. De février à juin 2015, nous avons déroulé notre stratégie musicale, et on a fait un point en juillet 2015, et ajusté. Cet été nous avons figé notre stratégie en la matière. Notre stratégie c'est aussi bien de jouer des morceaux du moment, que de tous les jours faire découvrir via notre programme Mouv' Booster des artistes pas encore signés. Nous diffusons également des lives issus de rencontres entre artistes et musiciens. Le 2 juillet prochain, nous allons proposer "Hip-hop Philharmonique" qui sera la première représentation d'artistes hip-hop français avec l’Orchestre Philarmonique de Radio France.
CB News : Et côté information ?
Bruno Laforestrie : Sur l'information, nous avons modifié plus de choses. Le 20#20 est passé au 19#30. Nous avons surtout ajouté Mouv' Nation le vendredi, car l'on voulait une émission de reportages exclusifs. Notre envie était de donner la parole à notre public qui n’a habituellement pas droit de cité pour qu’il s’exprime sur tout type de sujets avec ses mots. Nous ne donnons pas notre avis, c'est du brut. L'auditeur peut se faire, lui, son avis. Autre tranche importante, Mouv' Express à 13h dédié à l'emploi et aux initiatives positives.
CB News : La grande nouveauté pour Mouv', c'est aussi le travail de fond effectué via les réseaux sociaux ?
Bruno Laforestrie : Comme je le disais, Mouv' est une radio présente sur les carrefours d'audience de notre public via Facebook et SnapChat, clairement, et YouTube. C'est sur SnapChat que cela se passe aujourd'hui, c'est là que l'interaction se fait. Chaque instant de l'antenne Mouv' mis en avant sur ce réseau, ce sont 3 à 5 000 personnes qui sont en direct avec nous, en interaction et en temps réel. Nos animateurs s'y mettent en scène. Nous repassons sur d'autres réseaux type Twitter des extraits de ce que nous avons pu effectuer sur SnapChat au cours d'une journée. Nous partons de nos formats SnapChat que l'on adapte sur les autres réseaux. Même chose pour les images YouTube que l'on dérive également en permanence sur d'autres réseaux. Notre stratégie "on air, on-line, on me" s'incarne dans cette méthodologie. Nous avons aujourd'hui un socle digital qui correspond à ce que l'on souhaitait mettre en place.
CB News : que produisez-vous concrètement sur ces réseaux ?
Bruno Laforestrie : Avec "Willaxxx", nous proposons des formats parodiques des titres de notre play-list. Notre record est pour l'heure à 4,5 millions de vues sur un morceau d'Adèle. Avec "Willaxxx", c'est plus de 10 millions de vues au global. Nous avons aussi des formats LOL, un montage d'images liées à l’actu qui renvoient au final vers la radio. Côté chiffres, en février 2016, nous avons eu une portée de 18 millions de personnes et plus de 3 millions de vidéos vues sur Facebook. Il y a un an, c'était 3,5 millions de personnes et nous n'avions pas de vidéo vues. Le format YouTube de 2-3 minutes est le format le plus consommé en mobilité. Sur cette plateforme, ce sont 2-3 millions de vues par mois.
CB News : Mathieu Gallet a donné deux ans à la radio pour atteindre le 1% d'audience Médiamétrie fatidique... Nous sommes à mi-chemin.
Bruno Laforestrie : Mouv' a connu ses heures de gloire entre 2003 et 2008 où elle était au-dessus de 1% d'audience avec un format plutôt rock. Elle a décroché en 2008 quand il a été décidé d'arrêter ce format musical pour une radio talk et pop. En un an, son audience a été divisée par deux. Nous avons perdu du public, nous avons donc accepté psychologiquement de repartir de zéro début 2015 avec une nouvelle stratégie,un nouveau format et donc un nouveau public.
Maintenant que tout est installé, notre future étape est celle de la conquête d'audience "Médiamétrie" en 2016, qui est essentielle. Le point de rendez-vous fixé par Mathieu Gallet, c'est décembre prochain avec un point d'audience. Nous allons avoir une double lecture avec les 13 ans et plus qui est l'indicateur du marché, mais également sur notre cible 15-25 ans. Notre audience est stable depuis 3 ans, elle a continué de l'être en 2015. En terme quali, notre audience a d'ores et déjà rajeuni. Nous sommes à une moyenne de 30 ans contre 33 ans auparavant. Notre stratégie est de rajeunir encore en s’appuyant sur l'audience des 15-25 ans qui progresse. A l'été, nous aurons notre tendance sur une saison complète.