Radio France : le gouvernement reprend le dossier en main
Le gouvernement a pris sèchement la main mercredi dans la crise qui paralyse Radio France, en grève depuis 7 jours, en sommant son président Mathieu Gallet de présenter d’urgence "un projet précis" pour l’entreprise et de rétablir le dialogue avec les salariés. La ministre de la Culture, Fleur Pellerin, a fait savoir mercredi qu’elle avait "convoqué" Mathieu Gallet et lui avait demandé de fournir "sous 15 jours des propositions précises et fermes" sur la stratégie de l’entreprise. Elle lui a aussi demandé "un point de situation sur les discussions avec les représentants des salariés", se disant "préoccupée par ce mouvement qui dure". "Les propositions de Mathieu Gallet jusqu’ici ne sont pas suffisamment précises et documentées", a estimé le ministère, qui juge donc ne pas avoir pour l’instant de quoi négocier et élaborer le COM (contrat d’objectifs et de moyens) qui fixera les objectifs et les moyens du groupe public. En filigrane, cette annonce constitue une critique sévère de Mathieu Gallet, accusé de ne pas fournir de stratégie concrète et étayée. La ministre n’a visiblement pas apprécié la divulgation ces dernières semaines par le PDG, au fil d’interviews dans la presse, de diverses pistes d’économies, avant même l’avancée des négociations avec l’Etat. Devant l’Assemblée nationale, la ministre a cependant attribué la responsabilité de la situation déficitaire du groupe à "l’ancienne majorité". "Les difficultés financières de Radio France sont imputables à l’ancienne majorité", a-elle déclaré mercredi. "Sous le gouvernement Fillon", a-t-elle dit, "le gouvernement s’était engagé à augmenter de 13 % sur 4 ans les moyens de Radio France, et les ressources n’étaient pas disponibles". Elle a aussi rappelé que l’Etat ayant "besoin d’exemplarité", le gouvernement avait demandé à l’Inspection générale des Finances d’enquêter sur "les dépenses de train de vie de la présidence de Radio France", en référence aux révélations sur les frais de rénovation du bureau de Mathieu Gallet et l’embauche d’un expert en communication.
Le CSA aussi...
Après la ministre de la Culture, le CSA a demandé mercredi à Mathieu Gallet des précisions sur sa stratégie financière, tout en lui renouvelant sa confiance. Le CSA, qui a nommé Mathieu Gallet à l'unanimité en février 2014, précise que son collège plénier a procédé mercredi à un "échange de vues sur la situation de Radio France". Le gendarme de l'audiovisuel veut avoir accès aux "orientations élaborées pour faire face aux déséquilibres financiers de Radio France", des orientations envoyées par la direction du groupe public au ministère de la Culture. Le CSA auditionnera fin 2015 Mathieu Gallet pour son bilan annuel.
Le monde de la radio s’inquiète…
De leur côté, les radios commerciales représentées par le Bureau de la radio, le Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (SIRTI), le Syndicat des réseaux radiophoniques nationaux (SRN) et le Syndicat des radios généralistes privées (SRGP) sont revenu mercredi à la charge estimant qu’elles n’avaient « pas à payer les erreurs de gestion de Radio France », faisant ainsi référence à une interview accordée au Monde par Mathieu Gallet demandant un élargissement des annonceurs autorisés à faire de la publicité sur les antennes des radios publiques. Dans un communiqué commun, elles rappellent que Mathieu Gallet s’était en effet engagé à ne pas modifier le régime publicitaire de Radio France alors que « le marché publicitaire national de la radio enregistre une baisse de -18% depuis 2006 » et que « le budget de Radio France a progressé de 31% sur la même période », soulignent-elles. Les radios commerciales pointent également que « le seul coût estimé du chantier de rénovation de la maison de la radio (584 millions d’euros), est supérieur à l’ensemble des revenus de la publicité nationale de la radio » estimés par l’IREP en 2014 (568 millions d’euros). Elles rappellent également qu’elles ont entamé « une action devant le tribunal de commerce (…) afin d’obtenir la cessation de ce qu’elles considèrent comme des violations répétées du cahier des charges de Radio France, constitutives de pratiques déloyales ». Dans ce contexte, elles appellent « tant le gouvernement que le CSA, à refuser la facilité d’un nouveau prélèvement pour ne pas affaiblir davantage le média radio privé » car « l’audiovisuel public ne doit bénéficier d’aucune exemption ou faveur ».