Olivier Schrameck plaide pour une régulation complète
« Bravo ». Alors qu’Emmanuel Macron plaidait samedi dernier pour l’extension des pouvoirs du Conseil supérieur de l’audiovisuel aux contenus numériques comme les jeux vidéo ou sur internet pour lutter contre la pornographie accessible aux enfants, son président Olivier Schrameck s’est réjouit mardi de cette avancée pour laquelle il plaide « depuis 5 ans », a-t-il souligné lors du traditionnel déjeuner de l’Association des journalistes médias (AJM). « Pour que la régulation soit efficace, il faut qu'elle soit complète. Une régulation incomplète est une régulation insatisfaisante », a-t-il résumé, tout en soulignant que les propositions présidentielles nécessiteraient des « modifications législatives profondes ». Il s’est également montré favorable, parallèlement à une telle extension du champ d'action du CSA, à ce que ce dernier soit doté de méthodes de régulation « considérablement modifiées, notamment en faisant la place à l'autorégulation, à la corégulation et en appliquant des schémas de donnant-donnant ». En clair, « que les acteurs qui accept(ent) les règles du jeu, qu'on qualifie parfois d'acteurs vertueux, auraient des possibilités plus favorables que ceux qui s'y refus(ent) et donc un régime (...) d'incitation", a-t-il insisté. Une allusion à peine voilée aux groupes qui ont par exemple des engagements en matière d'investissement dans la production de programmes en France, contrairement aux plateformes américaines type Netflix ou Amazon. « Le principe me paraît être d'actualiser la régulation, mais aussi de l'assouplir en l'élargissant, les deux vont de pair. On ne peut pas concevoir de régulation élargie sans l'assouplir », a-t-il plaidé, tout en soulignant que ce serait au législateur d'en décider les contours, avec le pouvoir exécutif.
Pas une fusion, une coopération
Par ailleurs interrogé sur l’idée d’une fusion des sociétés de l’audiovisuel public, le président du CSA plaide plutôt pour que leurs actions soient surtout « marquées par plus de fédération, plus de coopération et plus de synergie », à l’image de la création de la chaine d’info franceinfo par France Télévisions, Radio France, France 24 et l’INA. Pour lui, une fusion poserait « plus de problèmes d’intégration alors que les priorités sont ailleurs », comme l’engagement vers une meilleure qualité des programmes, un effort soutenu pour la création et un rajeunissement du public, a-t-il indiqué devant l’AJM. De même, pour le président de CSA, « la territorialisation du service public de l’audiovisuel est fondamental, ce soit être un service de proximité ». Autres fondamentaux du service public, l’information où « l’investigation est un point essentiel, elle est au cœur », a-t-il martelé alors que la direction de France Télévisions fait actuellement face à la fronde de ses journalistes sur les possibles remises en cause de ses programmes emblématiques Envoyé Spécial et Complément d’enquête. « L’investigation est une arme aux mains des citoyens » pour s’assurer qu’ils ne sont pas sous le joug de pouvoirs politiques et/ou économiques.
RT France sous surveillance
Enfin, Olivier Schrameck s’est montré extrêmement ferme quant à l’arrivée prochaine dans le paysage audiovisuel français de la chaine russe RT France. Pour lui, « pour l’instant, le problème de confiance persiste » pour cette chaine qui avait été accusé au printemps par le président de la République Emmanuel Macron de s'être comporté avec le site Sputnik en « organes d'influence (...) et de propagande mensongère ». M. Schrameck a ainsi rappelé que l’instance qu’il préside, avec qui RT France a signé en septembre 2015 une convention en vue de la création de cette chaîne, lui avait imposé des engagements renforcés en matière « d'honnêteté et d'indépendance de l'information ». « Ces obligations figurent en toutes lettres dans la convention et si elles n'étaient pas respectées, croyez bien que le CSA ne resterait pas inactif », a-t-il mis en garde. Il a par ailleurs indiqué que RT France n'avait pas encore apporté de « réponse satisfaisante » concernant son comité d'éthique, resté incomplet depuis le retrait il y a plusieurs mois de l'académicienne Hélène Carrère d'Encausse.Il a également rappelé que les régulateurs de plusieurs autres pays surveillaient de près les activités de RT, citant l'Ofcom au Royaume-Uni « qui a déjà émis 14 mises en demeure et a menacé de sanction Russia Today ». « Nous ne nous cachons pas d'observer aujourd'hui le site Sputnik, compte tenu des liens manifestes entre ce site et la chaîne dont la création est annoncée", et dès que RT France sera lancée, « nous l'observerons constamment » en vue de « réagir avec promptitude à toute anomalie qui se produirait », a prévenu Olivier Schrameck.