Trend Observer 2015 : La France entre dans l’Âge du Faire
Aujourd’hui, « on peut très vite et très tôt faire les choses ». Selon Rémy Oudghiri, directeur du département Tendances & Prospective d’Ipsos Public Affairs, c’est cette mutation française qu’Ipsos analyse dans le cadre de la nouvelle mouture de son « Trend Observer 2015 » sur le thème « L'âge du FAIRE ». Car si « avant » on parlait de participation, la mutation va plus loin, s’accélère et se vit avec des « savoir-faire que l’on pensait en déclin et qui sont maintenant dans l’air du temps », explique-t-il, et « pas seulement dans la techno ». En passant successivement d’un « faire douloureux » au début du 20ème siècle, la tendance a depuis été de « déléguer aux machines » qui ont simplifié et amélioré le quotidien des gens pour maintenant assister au pouvoir « des machines à tout faire ». Et maintenant ? En 2014, 60% des personnes interrogées par Ipsos ressentent le besoin de réaliser ou créer des choses avec leurs mains. A l’heure où les valeurs d’honnêteté (57%), de politesse (48%) ou encore de tolérance (47%) sont les plus prisées, l’enquête pointe les montées en puissance du « courage » (16%) et de l’imagination et de la créativité (10%), valeurs individuelles s’il en est… De même, 66% des Français disent que pour réussir dans la vie, savoir se débrouiller est plus important que d’avoir des diplômes.
Se réapproprier les techniques
Alors, pour apprendre, se mettre à la page ou pour encore satisfaire leur curiosité, 53% des sondés affirment utiliser des tutoriels vidéo ou écrit, et 21% au moins une fois par mois. Ils aimeraient ainsi prendre des cours de langue (37%), de cuisine (29%), de photo (23%), d’informatique (22%) ou apprendre la pratique d’un instrument de musique (22%)… Des tendances qui se font l’écho des créations de « repair » café ou encore de recycleries qui mettent le retour de l’objet et de sa finalité sur le devant de la scène. « Il faut se prolonger dans le futur mais parallèlement se réapproprier les techniques mises de côté », résume M. Oudghiri. Mais pourquoi interroge l’étude ? D’abord parce que « je fais parce que je sais faire » et que le monde est devenu complexe. Face à la dématérialisation, il y a la volonté de retrouver le concret, le tactile. Ainsi, 39% des Français aiment-ils réutiliser les vieux objets en y ajoutant leur touche (+9 points en 8 ans). L’idée que nous pouvons apprendre à n'importe quel âge et de n'importe où, créer son entreprise simplement et devenir créateurs. Le facteur économique joue aussi à plein : 53% d’entre eux avouent avoir du mal à joindre les deux bouts (+12 points en 8 ans).
Manufactureur, qui es-tu ?
Dans ce magma en fusion qui agit, émergent les « makers » selon son acception anglo-saxonne qui se transforme en « manufactureurs » pour Ipsos. Sans être générationnel, ils sont dans toutes les classes d’âge, ils se caractérisent du reste de la population française par la valeur qu'ils accordent à la créativité. A la fois utilisateurs d’imprimante 3D (2%), créateurs de contenus (5%) ou encore à faire avec leurs mains (20%), ils ont pour socle commun la volonté de changer les choses, le goût pour l’expérimentation, le risque et l’effort… ils ont aussi l’esprit entrepreneurial, le besoin de nouvelles rencontres, de temps d’isolement, tournés vers le futur avec une sensibilité environnementale prononcée. Là encore, la tendance à faire soi-même s’installe du côté de start-up qui seront ainsi amenées à être de plus en plus. L’heure est en effet aux solutions « Co » comme collective où il s’agit d’être libre, mais ensemble, mais également au « court-circuitage » de l’autorité.
Mais l’Âge du Faire a-t-il ses limites ? Oui, selon Ipsos. Car ne rien faire a aussi ses adeptes : se reposer, se détendre gagne 2 points vs 2010, dormir et faire la sieste gagne 3 points et passer du temps dans sa salle de bain progresse également de + 3 points. Dans le même temps, se divertir est « essentiel » à l’équilibre personnel assure les sondés par Ipsos : 87% des 15-24 ans 92% des 25-49 ans, 87% des 50-99 ans 84% des 60-65 ans ?
Les 5 défis
Dès lors, Ipsos décèle 5 défis majeurs découle de cette entrée dans cet Âge du faire pour les acteurs du monde économique et politique :
- Montrer : être transparent sur le « comment », expliquer le « pourquoi ».
- Partager : transmettre, éduquer aux savoir-faire, favoriser l'apprentissage des techniques de production.
- Coopérer : faire ensemble.- Etre utile : rendre service à des consommateurs désireux de faire en leur proposant un accompagnement.
- Promouvoir un esprit de communauté : réorganiser les structures pour redonner du sens au travail, en brisant les hiérarchies impersonnelles qui empêchent les individus non seulement de se projeter positivement vers l'avenir mais, tout simplement, de comprendre les finalités de leur action.